La SCI, l’arrêt du Conseil d’état du 24 février 2020 et Benjamin Franklin
La société civile immobilière (ci-après SCI) est un outil de détention d’un immeuble français très prisé et conseillé abondamment dans l’hexagone.
Proche de la société simple, nouvelle société de droit de commun belge, le principal atout de cette structure réside dans sa flexibilité, sa facilité de gestion et de transmission.
Son plus farouche détracteur est aujourd’hui sa fiscalité épouvantablement lourde aux fondements opaques et fluctuant. Le traitement fiscal des revenus distribués par une SCI à un résident belge a fait couler beaucoup d’encre et a connu des années de pérégrinations sans que le débat soit clos, loin s’en faut.
Depuis les arrêts du 29 septembre 2016 et du 21 septembre 2017 rendus par la Cour de cassation belge, ces revenus sont doublement imposés.
En effet, en droit français, la SCI, qui a la personnalité juridique, est une société dite « translucide ». Il en résulte que les bénéfices de la société sont déterminés au niveau de la SCI mais sont taxables dans le chef des associés. Les bénéfices sont donc tout d’abord imposés en France.
Cependant, ce concept français de translucidité n’existe pas en droit belge.
La Belgique considère pour sa part que les revenus distribués par une SCI à un associé résident belge constituent des revenus de nature mobilière pour lesquels elle dispose d’un pouvoir d’imposition.
Cette double imposition n’est pas sans susciter des critiques majeures sur le plan du droit international et européen en particulier, augurant d’un débat favorable au contribuable qui porterait la cause devant les tribunaux belges ou français. Nous appelons de nos vœux une solution pacifiée qui pourrait naitre de la nouvelle Convention préventive de la double imposition (CPDI) franco-belge actuellement en cours d’approbation.
S’agissant du traitement fiscal de la plus-value de cession des parts de la SCI, une récente décision du Conseil d’Etat français constitue une évolution significative dans la surenchère à l’imposition à laquelle se livrent France et Belgique.
En droit civil français, les parts de sociétés sont considérées comme des biens meubles. L’Administration fiscale française a voulu néanmoins défendre que de telles parts avaient un caractère immobilier.
Contre toute attente, dans un arrêt du 24 février 2020, le Conseil d’Etat français confirmera cette position à savoir que lors d’une opération de cession les parts de SCI sont à considérer comme des biens immobiliers.
Cette qualification implique que les plus-values issues d’une cession de parts tombent sous l’article 3 de la CPDI. Cette disposition prévoit que les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l’Etat où se situent ces biens immobiliers, en l’espèce en France à l’exclusion de la Belgique.
Cette décision française donne cependant un argument de poids au contribuable belge afin de contester la double imposition pratiquée par la Belgique sur les revenus des SCI distribués aux résidents belges.
En effet, si les parts des SCI constituent des biens immeubles, les revenus de ces immeubles sont nécessairement des revenus immobiliers, imposables dans l’Etat de situation des immeubles, à savoir en France à l’exclusion de la Belgique. La position de l’Administration belge est dès lors contra legem. Elle apparait à notre estime contraire au droit européen.
Il s’avère essentiel aujourd’hui de procéder à l’analyse de ces structures.
Il s’impose d’une part de définir les conséquences pouvant découler de la réalisation de l’un de ses actifs et de ses titres ainsi que de la distribution de ses bénéfices ; et d’autre part, d’apprécier la légalité de la décision de taxation prise par les autorités belges et/ou françaises au regard de chaque droit national mais également au regard du droit européen dont les autorités fiscales semblent négliger les principes qui s’imposent à elles.
GVA se tient à votre disposition pour vous aider à vous préparer pour reprendre l’expression de Benjamin Franklin.
1. Failing to prepare = prepare to fail.
Lorsque Brexit dur rime avec exit tax
Publié dans la Libre-éco - le mercredi 29 janvier 2020
La sonnerie des cloches de Big Ben souhaité par le député tory Mark François pourrait induire des conséquences insoupçonnées sur les relations fiscales belgo-britanniques.
La plupart des textes adoptés en 2019 par les législateurs1, fédéral et régionaux, assimilant précautionneusement, dans l’hypothèse d’un brexit dur, le Royaume-Uni à un état membre de l’Union européenne ont en effet cessé de produire leurs effets le 31 décembre dernier.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne annoncée pour le 31 janvier 2020 est l’occasion de rappeler que ses membres bénéficient d’une protection qui ne relève pas de la litote.
La fin de la protection du traité et de la jurisprudence européenne.
Dès lors qu’il quitte le giron européen, le Royaume-Uni se prive, c’est une lapalissade, des libertés fondamentales garanties par le traité européen.
Libre circulation des capitaux et liberté d’établissement pour ne citer qu’elles sont des valeurs cardinales, en ce compris en fiscalité.
Ces principes et libertés consacrés aux 45 à 89 du TFUE dont la violation est poursuivie et sanctionnée par la Commission et la Cour de Justice ont façonné le paysage fiscal européen.
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L’on ne compte plus les décisions rendues par la Cour et, en amont, les infractions relevées par la Commission, qui ont contribué depuis les années 90 à une forme certaine d’harmonisation fiscale européenne et dont les bienfaits se sont traduits dans un très grand nombre de domaines de la fiscalité (retenue à la source, impôt sur la fortune, mesures anti-abus, dépenses déductibles, …) et secteurs d’activités.
L’arrêt Cadbury-Schweppes, l’arrêt Saint Gobain, la jurisprudence Schumaker, les arrêts Aberdeen, Marks & Spencer ou plus récemment, pour n’évoquer que ceux-là, l’arrêt Polbud du 25 octobre 2017 ont constitué des avancées majeures du droit positif international.
Le Royaume-Uni jettera-il le bébé avec l’eau du bain ?
La sortie du Royaume-Uni de l’Union sonnera par ailleurs très probablement, à tout le moins partiellement, le glas de directives majeures qu’il s’agisse de la directive applicable aux paiements d’intérêts et redevances entre sociétés associées, de la directive mère-fille, des directives fusion, des directives ATAD ou encore de la directive du 10 octobre 2017 instaurant un mécanisme de règlement de tous les différends fiscaux entrée en vigueur cet été.
Rien ne s’opposera en effet à ce que le UK retire ses textes nationaux transposés suite à l’adoption de ces directives.
Exit donc le régime fiscal et son exonération de précompte mobilier applicable aux paiements d’intérêts mais également aux redevances en faveur de sociétés associées.
Le régime belge est en effet subordonné à ce que les sociétés débitrices et bénéficiaires soient des sociétés d’États membres de l’Union.
La fin des RDT et taxation des plus-values.
Exit également le régime RDT, acronyme de revenus définitivement taxés, qui permet une déduction des dividendes étrangers distribués à une société belge ?
Tout dépendra du taux de l’IS adopté par le Royaume-Uni.
La loi prive en effet les sociétés belges du droit de déduire les bénéfices étrangers qui lui sont distribués dès lors qu’ils proviennent de sociétés établies en dehors de l’Union Européenne et qui sont soumis à un régime notablement plus avantageux.
Elle précise qu’il y a régime notablement avantageux dès lors que le taux nominal de l’impôt sur les bénéfices distribués est inférieur à 15% ou si la charge fiscale effective sur ces mêmes bénéfices est inférieure à 15%.
Si le Royaume-Uni devait baisser son taux en deçà de ce seuil en vue de jouer à plein la carte du dumping fiscal ainsi que d’aucuns le pressentent, les bénéfices distribués par les filiales anglaises ne seraient plus déductibles des bénéfices belges au titre de RDT.
Cette perte de déduction entrainerait un autre dommage collatéral et non des moindres à savoir l’imposition des plus-values sur ces participations anglaises, le régime d’exonération des plus-values étant corrélé au régime des RDT.
Imposition des plus-values privées.
Il en ira de même de la plus-value sur participation (au minimum 25%) de société belge possédée directement ou indirectement par une personne physique et cédée à une société anglaise ou à certains partnerships anglais.
Son imposition au titre de revenus divers interviendra indépendamment du régime de taxation de la société anglaise par la seule circonstance que la société acquéreuse a son siège en dehors de l’Espace économique européen.
Fusions et scission désormais taxées.
Brexit rime encore avec exit tax en cas de transfert de résidence d’une société belge au UK.
Le régime de neutralité fiscale prévu à l’article 214bis du Code belge des impôts sur les revenus ne s’applique pas en cas de déplacement de siège de la société vers un Etat qui n’est pas membre de l’Union européenne.
Les mêmes implications seront de mise en cas de restructuration avec une société outre-manche. Le transfert d’un établissement belge ou d’éléments d’actifs d’une société belge vers une société anglaise à l’occasion d’une fusion, d’une scission, d’un apport de branche d’activité ou d’universalité ne pourra bénéficier du régime de neutralité fiscale.
L’absence d’imposition des plus-values, la continuité fiscale ne sont en effet pour lors applicables qu’aux société qualifiées de sociétés « intra-européennes », c’est-à-dire schématiquement aux entités résidentes d’un État membre de l’Union européenne au rang desquels le Royaume-Uni ne comptera plus.
Revenus immobiliers plus lourdement taxés.
Les bras protecteurs de la Cour de Justice n’embrasseront désormais plus les revenus immobiliers et les pensions, pour ne « shortlister » que ces éléments (alors qu’un grand nombre d’autres dispositions mériteraient qu’on s’y attarde également).
La Cour de Justice s’est une énième fois opposée en date du 12 avril 2018 à ce que la base imposable de la détention de biens immobiliers situés dans l’Union européenne à l’étranger soit plus importante que celle des biens situés sur le territoire national.
L’argument tiré de la violation de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen sur lequel s’appuyait cette décision ne sera désormais plus accessible aux contribuables belges détenteurs d’immeubles au UK.
La clause d’émigration réactivée.
Les capitaux résultant d’assurance-vie, des pensions complémentaires et extralégales et des sommes y assimilées, seront susceptibles d’être impactés par la « clause d’émigration » contenue à l’article 364 bis du Code belge des impôts sur les revenus qui pourrait renaître de ses cendres.
Cette disposition rend inopposable le transfert de résidence d’un contribuable opéré préalablement à la perception de ses capitaux, ceux-ci étant imposables en Belgique la veille de l’émigration.
Limitée sur injonction de la Commission européenne le 17 décembre 2003 aux seuls transferts opérés en dehors de l’Espace économique européen, les candidats à la résidence britannique seront dans un grand nombre de cas sans protection de ce point de vue.
Le bémol apporté par la convention du 27 juin 1989 tendant à éviter la double imposition et prévenir l’évasion fiscale.
Si le traité européen et de manière générale le droit européen secondaire ne seront plus applicables dans les relations belgo-britanniques, les contribuables pourront encore se prévaloir et c’est heureux, de la Convention préventive de double imposition du 27 juin 1989 conclue entre la Belgique et le Royaume-Uni laquelle prime les droits nationaux.
Cette convention contient notamment une disposition prohibant toute discrimination fondée sur la nationalité dès lors que les contribuables se trouvent dans des situations identiques.
Elle permet, dans une mesure et selon des conditions et modalités en règle plus restrictives qui divergent des normes européennes, une réduction voire une exonération de précompte sur les dividendes et intérêts.
Un régime similaire au régime des RDT est contenu à l’article 23 alinéa 2 f de la convention prévoyant une exemption à l’impôt des sociétés des dividendes distribués mais à des conditions identiques à celles du droit belge qui excluent les entités dont le taux de l’ISOC est inférieur à 15%.
Ce traité fiscal et les autres conventions, bilatérales et multilatérales, conclues par le Royaume-Uni dont la convention du 7 juin 2017 consacrant les mesures anti-BEPS2 offrent donc une protection a minima dont il conviendra d’étudier les contours avec précision pour apprécier chacune des implications fiscales du Brexit dès lors qu’un contribuable possède un lien de rattachement plus ou moins ténu avec l’île.
Gageons que les négociations entre Boris Johnson et Ursula von der Leyen comporteront un important volet fiscal qui ne devrait voir le jour que dans de nombreux mois.
« DLU-bis » - une régularisation partielle constitue un faux en écriture, vraiment ?
La loi-programme du 27 décembre 2005 qui a introduit le second système de régularisation fiscale qualifié de DLU-bis offrait aux contribuables repentis une liberté de choix.
Cette liberté s’exerçait principalement par rapport à la période sur laquelle il entendait étendre sa régularisation qui dans la majeure partie des dossiers correspondait à la durée non couverte par la prescription fiscale de 7 ans.
A contrario, la loi n’imposait aucunement de régulariser les capitaux et revenus prescrits, notamment ceux acquis par succession dont l’infraction fiscale devait s’éteindre dix ans et cinq mois après le dépôt de la déclaration de succession contenant l’omission de ces valeurs.
Le Parquet Général est pourtant d’un tout autre avis.
Il entame ni plus ni moins des poursuites pour falsification de documents à l’encontre de contribuables qui se sont abstenus de faire mention dans leur DLU-bis des valeurs prescrites.
Un contribuable qui disposait d’avoirs auprès d’ING Luxembourg et de Julius Bär en Suisse a tout récemment fait les frais d’une poursuite par le Procureur Général.
La Cour de Cassation ne l’a pas suivi et l’a fait savoir le 19 novembre 2019 en l’acquittant de cette prévention au motif que la déclaration de régularisation n’imposait pas la déclaration de ces comptes étrangers.
Si il n’y a pas, à l’évidence, de faux en écriture dès lors qu’il ne peut sérieusement être fait reproche à un justiciable de se fier à l’intention affichée par le législateur lui-même, il n’en reste pas moins que ces dossiers ne sont pas pour autant sans risque.
Leur réouverture s’impose à tout le moins pour apprécier si il existe oui ou non une infraction de blanchiment et dans l’affirmative, comment l’appréhender étant entendu que de nombreuses solutions sont envisageables.
Bonne lecture et n’hésitez pas à nous partager vos réflexions sur le sujet !
gVa
Le droit au service du client !
La Clause d'accroissement
"Qu'est-ce qui distingue les conjoints des cohabitants ou plein feu sur les mobiles déterminants et les motifs non-fiscaux" Rec.gen. enr. not 2018/9-10 - (N27.154).
Les DLU dans le viseur du fisc : un risque bien réel aux conséquences insoupçonnées
Vous, votre société, vos parents ou vos clients, avez procédé à une régularisation fiscale (DLU, DLU bis, négociation avec le contrôleur, déclaration spontanée..) et pensiez en être quitte après avoir supporté les amendes fixées par l’administration.
Le fisc ne l’entend pas de cette oreille.
En l’absence de régularisation du capital prescrit, l’administration estime la régularisation frauduleuse.
Sous l’empire des précédents rounds de régularisation, le contribuable disposait du choix de régulariser les infractions et la période de régularisation.
Ainsi par exemple, face à une succession ouverte il y a plus de dix ans dont le capital hérité avait été déposé à l’étranger, les héritiers se contentaient de régulariser les revenus non déclarés sur une période de sept ans à l’exclusion du capital proprement dit provenant de la succession qu’ils considéraient comme fiscalement prescrit.
D’un point de vue pénal, l’infraction de fraude fiscale s’avérait également prescrite.
Aujourd’hui, le fisc veut considérer que la fraude initiale, soit la non déclaration du capital réinvesti est le sous-jacent d’un délit de blanchiment.
Or le blanchiment est un délit continu dont la prescription ne court qu’à compter de sa cessation.
Par ailleurs des peines lourdes sanctionnent le blanchiment. Il est susceptible d’entrainer la confiscation de tout ou partie du patrimoine.
Ces inquiétudes sont-elles fondées ?
La réponse est assurément affirmative. A trois reprises dont très récemment la Cour de Cassation a confirmé que l’évitement punissable d’une dette d’impôt (et l’avantage patrimonial en résultant) peut constituer l’objet d’une prévention de blanchiment.
La nouvelle loi du 20 juillet 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux ajoute l’ « infraction fiscale pénale» aux infractions sous-jacentes au blanchiment. Cette notion vise toute infraction fiscale pénale liée aux impôts directs et indirects, punissable d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté d’une durée minimale supérieure à six mois.
Sur un plan juridique mais aussi sur un plan politique l’évolution des débats n’est pas rassurante. Une volonté de revoir toutes les DLU se fait de plus en plus précise.
C’est d’ailleurs l’une des recommandations des experts de la Commission Panama Papers révélée cet été.
Il faut encore souligner le développement considérable de la communication automatique d’informations entre pays européens et du monde entier laquelle concerne plus de 95 pays. Nous nous référons à notre Newsletter du mois de mai 2016.
Rappelons que la Directive coopération administrative est entrée en vigueur le 1er septembre dernier au Luxembourg.
Que faire alors ?
Que faire de ces éléments ? A notre avis, la réponse est : anticipons tout ce qui peut ou doit l’être tant qu’il en est encore temps ! Cette réponse paraît simple par sa formulation, mais couvre, vous vous en doutez, des aspects de plus en plus complexes pour sa mise en œuvre.
Vous pourriez ainsi vous reconnaître dans les situations ci-dessous, que ce soit directement en tant que personne physique ou par le biais d’une entreprise :
Mes parents ont procédé à une DLU, il y a 20 ans.
J’ai moi-même (ou ma société) procédé à une DLU bis ou à une régularisation informelle.
J’ai des valeurs à l’étranger (valeurs mobilières, bateau, assurance …..) détenues en direct ou via une structure étrangère (fondation, trust, limited) dont je suis l’actionnaire ou le bénéficiaire.
J’ai hérité ou je vais hériter de biens étrangers.
Je veux investir maintenant et pouvoir transmettre ces placements sans faire courir de risque ou sans tracas pour les futurs bénéficiaires.
En conséquence de quoi, vous pourriez vous poser quelques questions :
Quelle est la validité de ma régularisation ?
Quels-en sont les risques et implications pour moi, ma structure et ma famille ?
Suis-je dans l’illégalité ? Que peut faire le Parquet ?
Peut-il utiliser mes déclarations de régularisation ?
Si oui, que faire, comment et à quels coûts ?
Si je veux réinvestir, quelles en sont les conséquences ?
Puis-je transmettre à moindre coût ? Quels outils utiliser ?
Le contexte que nous avons rappelé n’incite donc pas à des solutions toutes faites et préexistantes, mais il est par contre très clair que le facteur temps doit dans tous les cas être pris en compte : l’anticipation des risques et la préparation sont à l’ordre du jour.
Les maître-mots seront donc multiples : anticiper, analyser, solutionner et structurer.
Nul doute que les conseils de professionnels du secteur seront dès lors de plus en plus à recommander, mais cela vous le saviez déjà !
Transparence, taxation universelle des revenus, des patrimoines et des structures patrimoniales (taxe Caïman), et….régularisations (DLU quater)
La prise de connaissance par le fisc des éléments étrangers du patrimoine ou des revenus d’un résident belge (secondes résidences, comptes, structures, rémunérations, valeurs mobilières…) détenus ou perçus directement ou indirectement par le biais de structures patrimoniales ou dont il est bénéficiaire est inéluctable.
L’absence de déclaration spontanée induira inévitablement une présomption de fraude du contribuable.
Les conséquences financières y afférentes ne seront évidemment pas neutres. Des accroissements et amendes seront dus. Ceux-ci peuvent être particulièrement lourds en droits de succession et sur un plan pénal notamment.
Le contribuable ne pourra plus arguer de sa bonne foi dès lors qu’il lui est opposé la preuve d’avoirs, d’entités et/ou de revenus qu’il n’a pas déclarés.
La négociation avec le fisc des sanctions s’avèrera d’autant plus ardue.
Elle empêchera probablement toute prochaine « DLU quater » telle qu’annoncée il y a quelques semaines par le Gouvernement si une procédure d’investigation est en cours, le contribuable ayant fait l’objet d’une demande de renseignements.
A l’inverse, une révélation en temps utile permettra une régularisation du passé à des conditions acceptables.
Prenez contact avec nous en vue d’évaluer votre situation fiscale dans ce contexte et d’entamer en toute confidentialité les négociations de régularisation avec le fisc de vos avoirs étrangers.
Dans nos prochaines contributions nous aborderons les thèmes suivants en rapport avec ce sujet :
1. Imposition des revenus et patrimoines mondiaux
2. Fin du secret bancaire, transparence et corolaires
3. La taxation des structures patrimoniales ou «Cayman tax»
4. Informations échangées entre administrations fiscales du monde entier : une révolution.
Transmettre sereinement et légèrement
Transmettre une partie de son portefeuille-titres, de ses valeurs mobilières, des actions de son entreprise n’est pas aisé.
Les principaux obstacles sont généralement la perte des revenus, le manque d’autonomie et de contrôle des biens transmis.
L’appréhension que les avoirs soient mis en gage ou cédés rapidement par le bénéficiaire est généralement très présente.
La société de droit commun (en abrégé SDC) est un outil simple, discret et flexible qui permet complémentairement avec d’autres outils de lever ces obstacles.
La société de droit commun facilite et consolide grandement la gestion des patrimoines familiaux et les relations qu’elle implique.
La SDC permet d’éviter bien des différends et une transmission sans impôts ou faiblement imposée par l’adoption de modalités sur mesure.
GVA est à votre entière disposition pour mettre en place une telle solution.
Prenez contact avec nous en vue de réaliser un premier bilan patrimonial et successoral.
A cette occasion, nous évoquerons la manière dont se répartit votre succession ou celle d’un proche, les fragilités, les limites ou pièges éventuels qu’elle recèle, ainsi que les droits de succession belges et étrangers y afférents.
Panama Papers : des conséquences directes ou indirectes - pour moi ?
Sociétés, fondations, trusts et autres structures, valeurs mobilières ou secondes résidences : fiscalité mode d’emploi (Mai 2016)
Votre nom ne figure pas dans la liste des personnes divulguée dans les Panama Papers ? C’est un soulagement, ou alors vous vous dites que de toute façon vous n’étiez pas concerné ou que vous n’aviez rien à vous reprocher.
Pour les personnes impliquées, par contre, il en va autrement, sauf bien-sûr si les montages en question ont fait l’objet de toutes les déclarations et formalités nécessaires. L’administration fiscale ne manquera pas en tout cas pas de le vérifier, comme l’a indiqué notre Ministre des Finances et la commission créée à cet effet au sein de la chambre.
Et pour les autres ? Beaucoup de bruit pour rien ? Rien n’est moins sûr…
La médiatisation des Panama Papers, ainsi que les autres « révélations » récentes (les multiples « leaks »), constituent peut-être du pain béni, et donnent de l’eau au moulin, de l’administration fiscale et des défenseurs d’une plus grande transparence, quitte à leur donner des intentions plus offensives ou à forger des craintes plus importantes auprès des contribuables. Il s’agit plutôt à notre avis d’un accélérateur et d’un coup de projecteur sur une situation qui est déjà en mouvement, et qui va se généraliser dans les années à venir.
Certes l’arsenal législatif et le contexte politique vont dans le sens accru d’obligations et de circulation d’informations, mais faut-il nécessairement les craindre ?
Souvenons-nous de quelques éléments concrets qui vont effectivement tous dans la même direction :
- Echange mondial des données patrimoniales
Depuis 2014, les administrations fiscales des pays européens s’échangent automatiquement les informations sur le patrimoine immobilier des contribuables. A partir de 2017, cet échange automatique concernera également le patrimoine mobilier. L’identité du titulaire du compte, ainsi que celle des personnes qui contrôlent la structure étrangère, sera portée à la connaissance des administrations. Cet échange s’étendra même au niveau mondial dès septembre 2017 puisqu'il concerne 99 pays dont le Panama. Il s’agit d’une évolution encore impensable il y quelques années. Le fisc disposera ainsi de données considérables qu’il mettra en parallèle avec les déclarations des contribuables, adressera des demandes d’information et sanctionnera les omissions ou divergences.
- Disqualification des sociétés et entités artificielles – mesures anti-abus
L’administration fiscale va s’attaquer aux entités qui apparaissent comme étant purement artificielles à défaut de siège réel, d’organes effectifs ou de substance. Elle remettra en cause le transfert d’actifs en leur faveur et considèrera les revenus dans le chef des bénéficiaires économiques.
- Mise en place de la taxe Cayman sur les structures patrimoniales
L’échange d’informations sur les structures patrimoniales sera l’occasion pour le fisc belge de taxer les fondateurs de trusts (mais aussi leurs héritiers, les bénéficiaires de droits économiques), les Stiftung du Liechtenstein, les Anstalt du Liechtenstein, les SPF et fondations patrimoniales luxembourgeoises ainsi que les autres structures faiblement ou pas taxées.
- Régularisation formelle et informelle
La DLUter n’est plus, vive la régularisation permanente de la DLUquater dont le dernier texte en projet du 29 mars 2016 tarde à être publié. A côté de cette DLU, la négociation d’un accord avec le fisc restera cependant un mode efficace de solution anticipée.
Que faire de ces éléments ? A notre avis, la réponse est : anticipons tout ce qui peut ou doit l’être tant qu’il en est encore temps, et structurons l’avenir ! Cette réponse paraît simple par sa formulation, mais couvre, vous vous en doutez, des aspects de plus en plus complexes pour sa mise en œuvre.
Vous pourriez ainsi vous reconnaître dans les situations ci-dessous, que ce soit directement en tant que personne physique ou par le biais d’une entreprise :
J’ai une société off-shore active ou en veille.
J’ai des valeurs à l’étranger (valeurs mobilières, bateau, assurance …..) détenues en direct ou via une structure étrangère (fondation, trust, B.V.I.) dont je suis l’actionnaire, le bénéficiaire, l'héritier ou l'administrateur.
J’ai hérité ou je vais hériter de biens étrangers.
Je veux investir maintenant et pouvoir transmettre ces placements sans faire courir de risque ou sans tracas pour les futurs bénéficiaires.
En conséquence de quoi, vous pourriez vous poser quelques questions :
Quelles-en sont les implications fiscales pour moi, ma structure et ma famille ?
Suis-je dans l’illégalité ?
Si oui, quels sont les risques à couvrir, que faire et à quels coûts : régulariser, si oui selon quelles modalités ?
Si je veux réinvestir, quelles en sont les conséquences ?
Puis-je transmettre à moindre coût ? Quels outils utiliser?
Le contexte que nous avons rappelé n’incite donc pas, en première approche, à des solutions toutes faites et préexistantes, mais il est par contre très clair que le facteur temps doit dans tous les cas être pris en compte : l’anticipation des risques et la préparation seront à l’avenir de plus en plus importantes, que ce soit en vue de faire face à une situation discutable ou sujette à interprétation, aujourd’hui et encore plus demain, ou en vue d’optimisations, et ce toujours dans le plus grand respect des règles de droit belge et internationales.
Les maître-mots seront donc multiples : analyser, agir, structurer soit anticiper.
Nul doute que les conseils de professionnels du secteur seront dès lors de plus en plus à recommander, mais cela vous le saviez déjà !
L'accroissement sur les valeurs mobilières, un outil de planification patrimoniale puissant et vertueux pourtant parent pauvre de l'estate planning
Recueil Général de l'Enregistrement et du Notariat, septembre 2015
L’accroissement sur valeurs mobilières, un outil de planification patrimoniale puissant et vertueux, pourtant parent pauvre de l’estate planning.
I. Notion et contextes
Le recours à l’accroissement est apparu en matière immobilière et plus précisément dans le cadre d’acquisition indivise par des concubins, au début des années 90, en vue de limiter l’application en droits de succession des taux exorbitants entre étrangers. A cette époque, l’assimilation des cohabitants aux conjoints n’était pas de mise.
La convention d’accroissement mobilière contribue à éviter le morcellement d’un patrimoine et favorise une certaine stabilité dans sa gestion.
Si la mise en place de structures sociétaires facilite le contrôle des actifs sous-jacents, il n’est pas rare que le problème se reporte sur les actions ou parts émises par ces entités qu’il s’agisse de sociétés holdings, immobilières, patrimoniales ou autres structures qui dépendront tôt ou tard de la succession de leur titulaire.
En pareille hypothèse, la gestion de l’entité et sa pérennité peuvent ne pas résister à la double difficulté que représentent une indivision et un démembrement de propriété sur chacun des titres transmis.
L’accroissement offre à cet endroit une solution singulière, puissante, parfois radicale voire inique.
Il est un des exceptionnels « moyens » permettant l’exhérédation d’un époux, un enfant, voire d’une branche familiale entière à la faveur d’une personne qui peut ne pas être héritier réservataire voire tout simplement pas successible.
A l’inverse, cette technique de transmission n’empêche pas la concentration de l’entièreté des droits entre les mains d’un seul héritier réservataire ou successible, un conjoint, un frère délibérément choisis pour des raisons qui peuvent tenir à ses capacités managériales, à son rôle dans l’entreprise, à ses affinités avec le patrimoine sous-jacent, à sa qualité d’aîné, ou tout simplement à un souci de prévoyance.
Dans un contexte entrepreneurial, la clause d’accroissement peut ainsi s’avérer être un outil approprié de prévention de conflits entre les actionnaires et leurs familles.
Le contrat d’accroissement est encore particulièrement utile en vue de dissuader les velléités des héritiers nus-propriétaires, enfants voire beaux-enfants qui se verraient privés du droit forcer la capitalisation d’un portefeuille-titres, d’une collection oeuvres d’art, de titres d’une entreprise, …
Son efficacité procède également des aménagements et modalités dont il s’accommode et qu’il tire de l’autonomie des volontés lui vouant une large souplesse dont celle dont dispose le bénéficiaire d’opérer des choix et des arbitrages au moment où la succession du cédant s’ouvre en considérant la réalité de la situation et ses paramètres à ce moment.
L’accroissement est en outre un mode de transfert de patrimoine bénéficiant d’une fiscalité particulièrement avantageuse.
II. Eléments fondamentaux.
2.1 Un contrat.
2.1.1 Un contrat autonome
L’accroissement consiste pour chaque partie à céder à l’autre la part qu’il détient dans le bien pour le cas où il prédécède .
En contrepartie de cette cession, chaque contractant dispose selon des probabilités identiques de l’éventualité d’acquérir la part de l’autre.
La dynamique de l’accroissement est d’une grande simplicité : X cède sa part à Y pour autant que X décède le premier et réciproquement.
L’accroissement est un contrat autonome, il est indépendant de l’opération intervenue en amont.
Une telle caractéristique n’est pas anodine puisqu’une convention d’accroissement peut parfaitement être conclue au moment de la naissance de l’indivision des valeurs mobilières comme elle peut intervenir ultérieurement pour régir des valeurs acquises précédemment lors d’un achat, d’une donation, d’un partage, d’une succession, d’un apport antérieurs…
Un accroissement est traditionnellement le fait de deux parties, rien n’empêche à notre estime qu’il procède d’un accord d’un plus grand nombre.
2.1.2 L’objet de la convention
Nous sommes d’avis que les biens indivis faisant l’objet de la convention d’accroissement peuvent avoir été acquis tant à titre gratuit qu’à titre onéreux. Néanmoins le mode d’acquisition originaire n’est assurément pas neutre, que l’on songe par exemple au droit de retour inhérent aux donations et à son effet résolutoire qui neutralisera l’accroissement, aux conséquences de l’inexécution d’une charge par l’un des donataires indivis, ou tout simplement aux conséquences d’une atteinte à la réserve.
L’on sera particulièrement attentif aux restrictions découlant notamment du Code des sociétés, des lois ou des statuts régissant les sociétés ou personnes morales dont les titres émis sont cédés selon ces modalités.
Tant les meubles corporels qu’incorporels sont susceptibles d’accroissement.
Il en va ainsi d’œuvres d’art ou objets de collection.
Il en va également des titres au porteur, nominatifs ou dématérialisés de sociétés belges ou étrangères mais également des certificats ainsi que de tous les instruments financiers susceptibles d’être qualifiés comme tels .
Les parts indivises d’une société de droit commun sont susceptibles d’accroissement.
Le contrat portera tant sur des droits en pleine propriété qu’en nue-propriété acquis à la suite d’une indivision successorale par exemple.
S’agissant d’un usufruit conventionnel, il échappera à la conversion judiciaire prévue par les articles 745 quater et suivants du Code civil consacrée en faveur du conjoint survivant mais également et surtout en faveur des descendants d’une précédente relation .
Dans cette dernière situation, la valorisation des droits du conjoint usufruitier lui sera d’autant plus défavorable qu’il sera considéré comme ayant vingt ans de plus que l’aîné des descendants demandeurs.
Cet aspect n’est pas négligeable à la lumière des conséquences d’un démembrement légal qui à l’inverse s’opère au décès sur des titres d’une PME dont les enfants ont des visions divergentes de celles de l’époux associé survivant. Et ce, à plus forte raison que le Tribunal de la famille ne pourrait, nous semble-t-il, vouloir s’opposer à la conversion au motif que l’usufruit porte sur des biens professionnels , les titres ne s’y assimilant à l’évidence pas.
Le bénéficiaire de l’accroissement en usufruit ne sera pas pour autant libéré de toutes obligations, loin s’en faut ; il sera notamment tenu de gérer l’entreprise en bon de père de famille et de la préserver dans les limites fixées par le législateur .
La teneur du droit transmis pourrait être laissée à l’appréciation du bénéficiaire qui au terme d’un délai convenu par les parties aurait à opter pour la pleine propriété, la nue-propriété ou l’usufruit.
L’accroissement peut également porter à notre estime sur un portefeuille-titres. En pareille hypothèse, l’objet du contrat est l’universalité fongible distincte des différentes valeurs mobilières qui la composent.
Cette conception a été consacrée par l’arrêt Baylet rendu par la Cour de Cassation française en 1998 . Elle est également partagée par une éminente Doctrine .
S.NUDELHOC rappelle d’ailleurs que la conception d’universalité de fait du portefeuille-titres se déduit sans équivoque de l’article 616 du Code civil.
En cas de démembrement, les usufruitiers s’assureront peut-être surabondamment mais utilement à défaut de décision équivalente en droit positif belge de l’adhésion des nus-propriétaires à cette qualification .
Ils prendront encore soin d’obtenir l’accord des nus-propriétaires sur les arbitrages qu’ils entendent opérer et qui seraient de nature à porter atteinte à sa substance au sens de l’article 578 du Code civil.
Les biens dépendant d’un patrimoine commun ou d’une masse y assimilée telle une société d’acquêts ne sont susceptibles d’accroissement sans porter atteinte à l’immutabilité d’ordre public des régimes matrimoniaux qui interdit de modifier le statut matrimonial d’un bien en dehors des procédures prévues à cet effet .
2.3 Un contrat à titre onéreux.
Le caractère onéreux de ces conventions tient à l’incertitude et aux chances égales de chaque partie de devenir le bénéficiaire, au décès de l’autre, d’une contrepartie semblable.
En d’autres termes, l’espérance de vie des contractants doit être équivalente. L’âge des parties s est à considérer mais également leur état de santé.
L’exercice d’une profession à risque ou la pratique d’un sport périlleux peut à notre estime influencer le caractère aléatoire de l’accroissement même si leur impact précis apparaît difficilement quantifiable.
Un déséquilibre dans les probabilités, à la conclusion de la convention n’entrainera pas nécessairement la perte de ce caractère.
Ce déséquilibre peut être compensé par une participation plus importante dans le prix d’achat des valeurs. Le plus jeune âge d’un des deux associés de même sexe peut par exemple être contrebalancé par une participation plus importante de l’autre associé dans le bien acquis.
La Cour d’appel d’Anvers et le Tribunal de Première Instance de Turnhout ont respectivement considéré qu’une différence d’âge de 20 et 16 ans n’avait pour conséquence de dénaturer la convention.
2.4 Les principaux effets du contrat d’accroissement
La convention d’accroissement échappe à la qualification de donation et à son cortège de garde-fous que l’on songe simplement à la réserve, à la révocabilité ad nutum entre-époux, au consentement renforcé…
Elle a pour effet de faire sortir le bien et sa valeur de la succession du prémourant, ceux-ci n’étant sujet ni à rapport, ni à réduction ni à retour.
Le titre est transféré non par décès mais à l’occasion du décès.
III. Sous l’angle fiscal
3.1 Un acte entre-vifs et aléatoire gage de neutralité fiscale.
L’accroissement présente sur un plan fiscal des qualités symétriques.
Il a longtemps existé un certain flou sur la ligne adoptée par l’Administration à propos des clauses d’accroissement mobilières.
Le Ministre des finances y mit un terme dans une réponse à une question parlementaire du 14 juin 2005, affirmant que les principes en vigueur pour les clauses d’accroissement relatives à des biens immeubles s’appliquent également aux clauses d’accroissement qui portent sur des biens meubles .
Le titre de transmission des valeurs mobilières cédées par accroissement étant un acte entre-vifs, elles échappent à l’impôt successoral .
La clause d’accroissement est un contrat à titre onéreux qui lorsqu’il porte sur des valeurs mobilières n’est visée ni par les codes des droits d’enregistrement ni par le code flamand de la fiscalité.
Selon le Ministre des finances « La qualification d'une clause d'accroissement en un acte à titre onéreux ou en un acte à titre gratuit dépend de l'intention des parties. Cette intention est examinée en tenant compte de toutes les circonstances de l'affaire et entre autres de la qualité des parties et des liens existant entre elles. » Et de préciser : « Je peux vous confirmer que si la convention d'accroissement est réellement un contrat aléatoire, et par conséquent un acte à titre onéreux, l'accroissement n'est pas soumis à un droit d'enregistrement proportionnel et pas davantage au droit de succession. »
Le caractère onéreux de l’accroissement se déduit essentiellement de la question de savoir si la convention présente un aléa. Lequel tient à l’incertitude et aux chances équivalentes de chaque partie d’en devenir le bénéficiaire et de percevoir un droit identique à la part qu’il détient et qu’il cède.
Cet aléa - et cette équivalence de probabilité - chassent la donation pour reprendre l’expression titrant une contribution de Y-H LELEU .
L’égalité des chances et partant la qualification de contrat aléatoire, commutatif et à titre onéreux s’apprécie au moment de la formation du contrat d’accroissement.
Une modification de cet équilibre en aval de la convention ne pourrait avoir pour effet d’en changer la nature.
3.2 Les motivations de l’accroissement ou l’absence d’intention libérale.
A supposer qu’un certain déséquilibre existe entre les chances des uns et des autres, il n’en reste pas moins que la qualification de donation que voudrait lui imprimer l’Administration nécessite que soit établie par elle l’intention libérale dans le chef du cédant prédécédé.
Nous avons évoqué que des motivations diverses peuvent présider à la conclusion d’un accroissement.
Des actionnaires peuvent vouloir par ce biais garantir la continuité ou la pérennité d’une entreprise, d’un patrimoine d’exception…. garantir qu’ils seront gérés par des personnes qui partagent et cultivent une vision commune.
De telles motivations apparaissent peu empruntes d’animus donandi et ne semblent pas permettre de fonder une requalification nonobstant une différence d’âge importante entre actionnaires animés d’une réelle affectio societatis.
Le Service des décisions anticipées a rendu le 24 juillet 2007 une décision en ce sens à propos d’une convention d’accroissement portant sur les titres d’une société familiale.
Les demandeurs souhaitaient avoir la confirmation qu’au décès du survivant les titres transmis ne seront soumis ni à un droit d’enregistrement proportionnel ni aux droits de succession.
La structure de la décision et sa motivation sont particulières. L’Administration considère d’abord que le caractère aléatoire du contrat est acquis eu égard à la faible différence d’âge des parties et à l’absence d’observations spécifiques concernant leur santé.
L’équilibre des prestations est partant établi, peut-on lire dans la décision.
L’Administration ajoute pourtant de manière surprenante et quelque peu confuse que la circonstance que les conditions pour bénéficier du régime de « transmission d’entreprise » de l’ancien article 60 bis du Code flamand des successions soient rencontrées démontre l’absence de motivation fiscale.
Dès lors qu’il est acquis qu’il s’agit d’un contrat entre-vifs à titre onéreux, l’on perçoit mal quelle autre qualification juridique qui sous l’empire de l’ancienne mesure anti-abus alors applicable, aurait pu lui être substituée. Tant la condition d’application de l’équivalence des effets , que la déclaration du Ministre des Finances selon laquelle la mesure générale anti-abus était inapplicable aux opérations touchant à la matière patrimoniale rendaient toute requalification peu vraisemblable.
Le régime de l’ancien article 60 bis est au demeurant particulièrement contraignant, il s’applique aux sociétés d’exploitation et prévoit notamment une condition d’intangibilité du capital et des investissements de la société pendant cinq ans.
L’Administration pointera ensuite dans la foulée que le contrat a été rédigé par les demandeurs en vue de centraliser l’actionnariat et garantir la gestion et la survie de l’entreprise familiale.
L’exécution d’une obligation naturelle, un souci de prévoyance, peuvent être autant de visées poursuivies par les contractants.
De tels mobiles que les parties veilleront à révéler permettront d’écarter tout animus donandi.
3.2 La clause d’accroissement au regard des mesures anti-abus.
3.2.1 L’abus fiscal.
Les nouvelles dispositions 18 § 2 du Code des droits d’enregistrement et 106 § 2 du Code des droits de succession s’appliquent désormais à la sphère patrimoniale. Il en va de même de l’article 3.17.0.0.2 du Code flamand de la fiscalité .
Les clauses d’accroissement ne sont pas considérées à priori par l’administration comme des montages suspects.
La circulaire fédérale n°5/2013 du 10 avril 2013 reprend la clause d’accroissement dans sa « liste blanche » des actes juridiques qui ne peuvent pas, en soi, être catalogués comme abus fiscal.
La circulaire flamande du 16 février 2015 la reprend également comme opération non suspecte.
Par ailleurs, le contribuable à qui l’Administration oppose l’abus fiscal peut établir que son acte se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter l’impôt. Ses motifs ne doivent plus être financiers ou économiques, la volonté de pérenniser son patrimoine peut à notre estime constituer une justification permettant d’empêcher que l’acte soit déclaré inopposable.
Nous avons vu que les parties peuvent vouloir éviter ou postposer les écueils d’une indivision successorale dont la sortie d’indivision forcée semble inéluctable ou probable à l’aune des intentions affichées ou subodorées de certains héritiers ou légataires.
Un accroissement entre époux constitue un mode de protection visant à garantir au survivant les revenus des titres transmis et à le prémunir de toute tentation de ses enfants ou beaux-enfants d’exiger la capitalisation de son usufruit.
3.2.2 Les mesures anti-abus spécifiques.
La mesure générale anti-abus s’applique à titre subsidiaire, c’est-à-dire à défaut de mesures anti-abus spécifiques.
Dès lors que l’accroissement qualifie d’acte à titre onéreux, la requalification en legs des donations mobilières faites sous condition suspensive réalisée par la suite du décès du donateur visée par l’article 4 3° du Code bruxellois des droits de succession et l’article 2.7.1.0.3 du Code flamand de la fiscalité est inapplicable.
Il en est de même de l’article 131 bis § 3 du Code wallon des droits d’enregistrement privant du bénéfice du taux réduit les donations faites en pareille circonstance.
De surcroît, nous ne pensons pas qu’une clause d’accroissement puisse être réduite à deux cessions faite sous condition suspensive du décès du cédant.
Dès sa formation, l’accroissement est un contrat synallagmatique unique, l’exécution de la convention et les effets qu’elle produit au décès d’un des contractants n’y changent évidemment rien.
L’on sera néanmoins prudent dans la rédaction de cette convention.
Conclusions
La convention d’accroissement constitue un outil de planification patrimoniale efficace, discret et simple d’un point de vue formel du moins.
Elle est aussi un outil à manier avec précaution en raison des effets redoutables qu’elle peut induire sur la succession des parties et des implications transversales qu’elle engendre.
L’irrévocabilité d’une telle convention ne doit pas non plus être sous-estimée par ses rédacteurs .
Nous avons démontré l’importance du caractère aléatoire de cette convention ainsi que des motivations qui doivent présider à sa rédaction.
Ils constituent le gage de l’absence de requalification en donation indirecte aux conséquences civiles et fiscales diamétralement opposées.
L’assise de ces deux éléments apparaît d’autant plus fondamentale que la Jurisprudence tant en matière civile qu’en matière fiscale est vive depuis de nombreuses années sur la qualification d’autres conventions apparentées par l’aléa.
Gaëtan Van Elder
Avocat associé
Une définition extra extra large de la notion de valeurs contenue dans l'article 8 du Code des droits de succession
Recueil Général de l'Enregistrement et du Notariat, décembre 2013
Numéro S 8/33-02
33. - Notion de « valeurs »
02. - Le texte de l'article 8 C. succ. n'indique nullement que la notion de « valeurs » devrait être limitée aux effets publics (si on entend par là les actions et les obligations cotées en bourse).
Les polices d'assurance-vie qui sont des assurances-placements (entre autres pour l'ampleur des primes minimales à verser) doivent être considérées comme des « valeurs » telles qu'indiquées à l'article 8 C. Succ.
Dans le cas présent, les époux étaient mariés sous contrat de séparation de biens.
Au vu des polices d'assurance, il est apparu que :
- les primes minimales s'élèvent à 50.000€ ou 125.000€ ;
- le preneur d'assurance est l'homme ;
- les assurés sont l'homme et son épouse et lors du décès de l'homme, l'épouse devient automatiquement l'unique assurée ;
- En cas de décès du preneur d'assurance, tous ses droits et devoirs découlant du contrat d'assurance passent dans le chef du deuxième assuré, à savoir le conjoint survivant ;
- Les bénéficiaires sont : les enfants, uniquement au décès du conjoint survivant.
Les droits que le conjoint survivant reçoit lors du décès du premier assuré, et donc également le droit de donner le contrat d'assurance ou de mettre fin au contrat et réclamer le capital, représentent une valeur, appelée la valeur de rachat du contrat.
Le transfert de ces droits et donc du contrat d'assurance proprement dit, lors du décès du preneur d'assurance, au conjoint survivant sur base des dispositions du contrat d'assurance, tombe dans le champ d'application de l'article 8 C. Succ.
Lors du décès de l'homme, la valeur de rachat de la police d'assurance doit, en application de l'article 8, être taxée dans le chef de la femme.
(Déc. 4 décembre 2012, n° E.E./104.552)
Une définition extra extra large de la notion de valeurs contenue dans l’article 8 du Code des droits de succession.
La décision rendue est surprenante à deux égards. D’abord, parce que l’Administration conclut -principalement à la lumière de l’importance des primes - que le contrat d’assurance-vie est un contrat de placement.
Ensuite, parce que forte de cette première conclusion, l’Administration considère que tous les droits transmis à l’épouse survivante qualifient de « valeurs » au sens de l’article 8 du Code des droits de succession (ci-après CS).
I. Le cadre de la requalification.
L’Administration n’est pas liée par la qualification que les parties ont donnée à leur acte, la nature juridique de celui-ci étant déterminée par la cohérence de ses modalités . Non seulement, l’Administration a le droit de substituer une autre qualification à la qualification erronée que les parties ont donnée à leur acte mais elle en a, selon une certaine Doctrine avisée, l’obligation.
Autre application du droit commun , l’action en déclaration de simulation - impliquant ici que soit rapportée la preuve de la volonté des parties de dissimuler l’acte réellement convenu entre elles - offre un second axe de remise en cause d’un contrat conclu par un contribuable à des fins fiscales.
Enfin, l’ex mesure fiscale anti-abus contenue à l’article 106 § 2 du CS octroie à l’Administration un énième moyen de challenger une qualification choisie par les parties à dessein exclusivement fiscal dès lors qu’elle est en mesure de lui substituer une qualification qui épouse tous les effets de la convention querellée.
Ce qui est frappant dans un premier temps, c’est que la démarche de l’Administration ne semble s’inscrire dans aucun de ces cadres .
II. La requalification en contrat de placement.
La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre définit le contrat d’assurance comme étant le contrat en vertu duquel, moyennant le paiement d’une prime fixe ou variable, une partie, l’assureur, s’engage envers une autre partie, le preneur d’assurance, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain que, selon le cas, l’assuré ou le bénéficiaire, a intérêt à ne pas voir se réaliser.
L’article 97 de la même loi dispose par ailleurs que le présent chapitre s’applique à tous les contrats d’assurance de personnes dans lesquels la survenance de l’événement assuré ne dépend que de la durée de la vie humaine.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce qui précède.
D’une part, la prestation de l’assureur est inexorablement liée à la survenance d’un événement.
D’autre part le caractère aléatoire du contrat découle de ce que cette prestation procède de la réalisation d’un événement incertain.
La réalité d’un contrat d’assurance est tributaire de ce que la prestation de l’assureur soit subordonnée à la réalisation d’un risque, à défaut duquel, enseigne M. Fontaine , le contrat est inconcevable.
L’intervention de l’assureur est en outre attachée à la survenance d’un événement incertain, savoir le moment du décès de la tête assurée.
La circonscription des conditions d’existence d’un contrat d’assurance-vie énoncées ci-avant - à défaut de définition dérogatoire du droit fiscal - procède du droit commun dont notamment de la loi sur le contrat des assurances terrestres.
La Jurisprudence de la Cour de Cassation est constante à cet égard .
Est-il alors raisonnable de considérer sur la seule base de l’importance des primes payées par le preneur que les prestations de l’assureur ne répondent précisément pas aux conditions de prestations d’assurance-vie , et « dissimulent » ou « qualifient » en réalité un contrat de placement ?
Nous ne le pensons évidemment pas.
Il n’en reste pas moins que couplé à d’autres modalités stigmatisant notamment l’absence de risque assuré, l’inexistence de prestation d’assurance,…. l’Administration a pu conclure par le passé que certaines conventions étaient fictives et déguisaient en réalité de simples dépôts de fonds.
Cette position fut consacrée par la Cour de Cassation en date du 18 juin 1968 en matière d’impôts directs.
II. Quant à la notion de valeurs.
Après avoir « requalifié » les polices d’assurance-vie en contrats d’assurances-placements, l’Administration affirme que ceux-ci doivent être considérés comme des « valeurs » au sens de l'article 8 CS.
L’Administration décide que les droits que le conjoint survivant a reçus lors du décès du premier assuré, soit le droit de cession et les droits sous-jacents dont le droit au rachat, représentent une valeur, appelée valeur de rachat du contrat laquelle doit être taxée dans le chef de l’épouse survivante.
L’imposition se réaliserait sur base de la valeur de rachat théorique (ou provision technique) diminuée de l’indemnité de rachat éventuelle même si un doute est permis dès lors que l’on peut lire dans la décision commentée que l’Administration requalifie le contrat d’assurance pour l'ampleur des primes minimales à verser.
Le sens donné au terme « valeurs » de l’article 8 s’il n’est pas dépourvu de toute ambiguïté est-il pour autant destiné à couvrir une catégorie résiduelle à côté des « sommes » et des « rentes » qui s’étendrait notamment aux droits de créances au sens large ?
Il est permis d’en douter.
D’abord parce que le Législateur, s’il avait eu l’intention de donner à cette disposition un tel champ d’application, se serait probablement exprimé autrement.
Ensuite, car la Doctrine la plus autorisée définit le sens de ce mot comme étant les titres d’actions ou d’obligations, c’est-à-dire les fonds publics en général .
Cette acception semble en ligne avec celle traditionnelle du droit financier qui vise les actions et les obligations .
L’Administration avait d’ailleurs récemment considéré dans une décision du 10 mars 2011 que le terme valeurs s’étendait à tous les titres cotés ou non .
Le doute est encore permis eu égard à la circonstance que la créance de rachat n’appartiendra à l’époux survivant que pour autant qu’il procède à la résiliation du contrat.
A contrario, en cas de décès du conjoint survivant préalablement aux enfants bénéficiaires, et à défaut de résiliation antérieure du contrat, le conjoint n’en retirera à priori aucun avantage patrimonial. La convention semble conserver un caractère aléatoire.
Cette résiliation peut par ailleurs être totale mais aussi partielle.
Enfin parce qu’en cas de doute sur l’intention du législateur , une telle incertitude doit profiter au contribuable conformément au principe « in dubio contra fiscum » consacré par la Cour de Cassation le 13 avril 1978 .
Gaëtan Van Elder
Un Code au secours de certains héritiers
l’Echo du 8 novembre 2008
A la stupéfaction de la chute des cours, s’ajoute, pour certains héritiers, l’incrédulité face aux prescriptions du Code des droits de succession à l’occasion de l’établissement de la déclaration de succession de leur auteur.
Certains héritiers se voient contraints de payer des droits au taux progressif le plus élevé alors que les titres qui leurs sont transmis sont considérablement dépréciés.
Comment s’explique cette discordance entre valeur à déclarer et taxation corrélative par rapport à la valeur des mêmes actions tombant, in fine, dans le patrimoine des héritiers ?
Que déclarer ?
La valeur vénale.
Le principe contenu dans le Code des droits de succession veut que les titres et valeurs que le défunt possédait soient évalués au jour de son décès à leur valeur vénale.
La valeur vénale peut être définie comme celle que l’on peut escompter dans le cadre d’une vente ayant fait l’objet d’une publicité adéquate permettant de réunir un nombre suffisant d’amateurs.
Relevons que les conditions de vente doivent être normales et non optimales et que les amateurs doivent représenter les différentes tendances du marché.
Les caractéristiques objectives du titre influenceront également sa valeur vénale.
Le Ministre des Finances, a précisé à cet égard que les prix obtenus lors d'une vente publique, de même que les cours, au jour du décès, dans une bourse étrangère, constituent une base fiable reflétant normalement la valeur vénale du titre .
Gageons que pour les titres qui ne sont pas cotés ou dont la cotation n’est pas représentative, l’évaluation de leur valeur vénale n’est pas aisée à la lumière des nombreux critères de valorisation d’entreprise alors qu’une insuffisance d’estimation relevée par l’Administration fiscale vient encore augmenter la charge successorale des héritiers.
Le Code des droits de succession offre la possibilité aux contribuables de trancher la question en amont du dépôt de la déclaration par le biais de la procédure dite d’expertise préalable. Celle-ci consiste succinctement à désigner de concert avec l’Administration un expert dont les conclusions lieront contribuables et autorités fiscales.
L’intérêt de cette mesure est relatif vu qu’elle est limitée aux titres émis par une société dont le siège se trouve sur le territoire belge . Dans les autres cas, il importera de disposer d’arguments permettant d’emporter la conviction du Receveur ou des experts désignés dans le cadre de la procédure de contrôle applicable à certains titres.
Le prix courant.
Pour les effets publics cotés à l’une des bourses du Royaume, le Code des droits de succession impose aux héritiers de déterminer leur valeur imposable par référence au prix courant.
Le prix courant est constitué de la moyenne des cours pratiqués le mois précédent précise l’article 6 de l’Arrêté Royal du 31/03/1936.
La publication du prix courant s’effectue au plus tard le vingt de chaque mois au Moniteur belge.
A quel moment ?
Pour les titres ne faisant pas l’objet d’une publication au prix courant, c’est la valeur vénale au jour du décès qui est à déclarer.
Une question se pose, laquelle peut avoir une importance considérable - les jours de krach par exemple - pour des titres qui, à l’ouverture de la bourse affichaient une valeur habituelle pour perdre, au fil de la journée, un grand nombre de points et atteindre à la clôture une cotation historiquement faible : celle de l’heure à laquelle il faut se référer.
Le Code des droits de succession n’apporte aucune précision sur ce point.
Il nous semble dès lors que le contribuable conserve toute liberté quant au choix de l’heure à laquelle il doit déclarer ses valeurs et partant, de la cotation afférente au titre qu’il est amené à déclarer.
Quant aux bénéficiaires de titres cotés au prix courant, ils peuvent choisir de se référer au prix courant de l’un des trois mois qui suit celui du décès étant entendu que le choix du mois opéré s’applique à l’ensemble des valeurs.
A défaut d’avoir fait état de ce choix de manière expresse dans la déclaration de succession, le prix courant à employer est celui du mois qui suit celui du décès.
Deux titres, deux mesures…
La possibilité de choisir le prix courant publié au cours du trimestre consécutif au décès peut constituer une réelle opportunité pour les titulaires d’effets publics cotés à l’une des bourses belges. Il importe de faire une application adéquate du Code des droits de succession afin d’optimiser la déclaration de succession et particulièrement en cette période trouble.
Opportunité, d’une part, car le prix courant n’est qu’une moyenne des cours du mois précédent, ce qui permet de diluer les effets d’une hausse de cours ponctuelle advenue sur une courte période voire le jour du décès.
D’autre part, parce que ces mêmes héritiers ont la possibilité de faire correspondre la base imposable avec le prix de réalisation des titres et ce faisant, disposent corrélativement de la garantie de ne payer un impôt supérieur - voire de payer un montant inférieur - à l’accroissement effectif de leur patrimoine dès lors que la réalisation des titres intervient à bref délai.
Si le jour du décès la valeur des titres était de 100 et que cette valeur fut constante, voire inférieure, au cours du mois endéans lequel le décès s’est produit et que dans les deux mois qui suivent, les mêmes titres sont vendus pour 200 les héritiers pourront en toute légalité les déclarer pour 100.
Ces héritiers n’auront pas à souffrir d’une chute brutale de cours se produisant suite à un événement intervenu à bref délai après le décès tel une faillite ou un krach, par comparaison aux autres actionnaires obligés de déclarer et de subir une imposition lourde sur des titres qui ont perdu toute valeur.
Cette différence est d’autant plus frappante aujourd’hui lorsque l’on songe, par exemple, à la situation des héritiers d’actions Fortis ou Dexia comparativement à celle d’héritiers d’actions Lheman Brothers, au vu des importants droits de succession que ces derniers vont devoir supporter sur des titres devenus sans valeur au surlendemain d’un décès intervenu après le dépôt de bilan de la banque américaine .
L’absence d’objectivité de cette distinction entre actionnaires, permettant aux uns - contrairement aux autres - de tirer avantage d’événements affaiblissant ou renforçant le titre à déclarer, intervenus antérieurement ou postérieurement au décès heurte le sacro-saint principe de non-discrimination et peut-être également celui de la libre circulation des capitaux qui transcendent notre système juridique.
Evaluation d’un droit d’usufruit immobilier acquis par une société : autonomie du droit commun - incompatibilité des méthodes d’évaluation forfaitaires du droit fiscal
Recueil Général de l’Enregistrement et du Notariat, septembre 2007
Evaluation d’un droit d’usufruit immobilier acquis par une société : autonomie du droit commun - incompatibilité des méthodes d’évaluation forfaitaires du droit fiscal.
- Le droit comptable et le droit civil.
L’usufruit d’un immeuble acquis par une société s’inscrit à l’actif de son bilan sous la rubrique « Terrains et Constructions » en tant qu’immobilisation corporelle dont l’évaluation procède de sa valeur d’acquisition, laquelle n’est autrement définie par le droit comptable que comme étant le prix d'achat et les frais accessoires y afférents.
L’Arrêté royal du Code des sociétés balise le processus d’évaluation de ce prix d’achat en précisant d’une part, que son évaluation doit se faire à l’aune des critères de prudence, de sincérité et de bonne foi , et d’autre part, que les comptes annuels doivent, au demeurant, refléter l’image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de la société .
En outre, les actifs d’une entreprise sont à évaluer dans une perspective de continuité de l’exploitation s’opposant à celle qui prévaut dans une optique de liquidation de l’entreprise où leur évaluation s’identifie à leur valeur de réalisation .
Une autre butée est posée par la Commission des normes comptables dans son avis 126/17 lorsqu’elle précise que si les parties ont toute liberté pour déterminer le prix et apprécier souverainement l'équivalence des prestations réciproques, l'on présume implicitement qu'en cas de fixation libre du prix, chaque partie concernée s'est efforcée de maximaliser son propre profit, le résultat étant un prix de transaction considéré par les parties comme une rémunération équivalente des engagements contractés.
Et d’ajouter, que l'équivalence des prestations réciproques est, par définition, relative puisque liée à l'appréciation subjective des parties contractantes laquelle est tributaire de la situation particulière dans laquelle elle se trouve ou de leur appréciation des circonstances de fait.
Dans le même avis, la Commission des normes comptables ajoute que lorsqu’il existe un déséquilibre important dans la valeur des prestations et pour autant qu’il y ait volonté d’une des parties d’avantager l’autre partie, l’(a) (ré)évaluation du prix correspond à la juste valeur de l’actif ainsi acquis et prescrit d’inscrire dans le compte de résultat un bénéfice égal à la différence positive entre la juste valeur et le prix effectivement payé.
L’usufruit confère à son titulaire le « fructus » et l’ « usus », le droit de jouir et le droit d’user de la chose. Le droit de jouissance offre à l’usufruitier le droit de jouir de toute espèce de fruits soit naturels, soit industriels, soit civils que peut produire l’immeuble dont il a l’usufruit .
Le droit d’usage accorde à l’usufruitier le droit d’occuper l’immeuble, d’y effectuer des travaux, d’en exploiter le fonds de commerce mais également de conclure des baux, de concéder un droit de superficie, un droit d’emphytéose voire un usufruit .
Le droit d’usage et le droit de jouissance que confère le Code civil à l’usufruitier influenceront l’évaluation du prix d’un usufruit dans la mesure de l’intention de ce dernier de faire prévaloir et d’exercer telle ou telle prérogative que permettent le fructus et l’usus ainsi acquis.
Ses caractéristiques intrinsèques objectives telles sa nature (usufruit successoral ou non), sa durée , l’objet sur lequel il porte (terrain ou bâtiment), son état, ses charges, affecteront également l’évaluation du prix d’acquisition d’un usufruit.
Le droit fiscal.
La Jurisprudence de la Cour de Cassation est constante depuis des décennies dans le cadre du contrôle de l’application du principe selon lequel les règles du droit commun s’imposent en droit fiscal dans la mesure où il n’y a pas été dérogé .
Le législateur a dérogé au droit commun notamment aux articles 47 , 49 et 50 du Code des droits d’enregistrement, aux articles 21 , 22 et 66 du Code des droits de succession ainsi qu’à l’article 54 de l’Arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus renvoyant aux règles d’évaluation contenues à l’article 47 du Code des droits d’enregistrement.
Ces articles et les critères d’évaluation y définis s’imposent dans le strict respect de leur champ d’application.
Pour le surplus, les critères dégagés par le droit commun prévalent.
Dans le cadre d’un recours introduit par une société ayant bénéficié de l’apport d’un usufruit portant sur des terres agricoles à qui l’Administration fiscale avait imposé la méthode d’évaluation de l’article 47 du Code des d’enregistrement alors que la société lui avait préféré celle de l’article 21 du Code des droits de succession, le Tribunal de Première Instance de Namur dans son jugement du 28 juin 2006 a précisé ce qui suit :
« (…) la demanderesse n'avait en effet, pour calculer la valeur de l'usufruit litigieux, aucune obligation de se référer à l'article 47 du C. enreg. Tout ce qui lui était imposé, c'était de se conformer aux principes directeurs qui sous-tendent l'établissement des comptes annuels des entreprises et, en particulier, l'article 19 alinéa 1er de l'arrêté royal du 8 octobre 1976 (…) Elle n'avait certes pas d'obligation non plus d'adopter la méthode préconisée par l'article 21, VI du C. succ. en multipliant la valeur de la pleine propriété par 4%, puis par le coefficient 11(….) ».
Le Tribunal de Première Instance de Mons en date des 23 juin 2004 et 28 février 2005 a sanctionné également le recours aux méthodes forfaitaires d’évaluation d’usufruit prescrites tant par le Code des droits de succession que par le Code des droits d’enregistrement pour lui préférer une valorisation économique.
Le Ministre des Finances a précisé quant à lui à l’occasion d’une réponse à une question parlementaire que « la valeur de l’usufruit doit être déterminée sur la base des données factuelles et juridiques propres à chaque cas ». Il a également ajouté que le produit actualisé des loyers peut constituer un élément pouvant permettre d’évaluer un usufruit.
Conclusion.
C’est vers le parent pauvre du droit, le droit comptable, qu’il convient de se tourner pour dégager les principales et très éclectiques lignes directrices d’évaluation du prix d’achat d’un usufruit immobilier.
Le droit fiscal et ses méthodes forfaitaires d’évaluation ne priment le droit commun qu’à l’endroit de l’opération qu’il entend imposer.
Il importe cependant d’observer que le Tribunal de Première Instance de Namur semble admettre l’utilisation de la méthode forfaitaire telle que prévue par le Code des droits de succession en apportant dans le jugement précité les précisions suivantes : « rien ne pouvait l'en empêcher dès lors que cette méthode permet d'arriver à une évaluation objective (ce qui n'est pas le cas de l'article 47 C. enreg qui aboutit à une estimation spécifique destinée à l'application des droits d'enregistrement) ».
Le Tribunal semble admettre le recours à l’évaluation forfaitaire du Code des droits de succession pour autant que cette évaluation soit étayée par des données du marché immobilier lorsqu’il précise dans son dispositif que : « Rien ne permet au tribunal de mettre en doute l'adéquation de la valeur globale déterminée par le notaire instrumentant (en l’espèce le notaire de la société), qui s'est lui-même référé aux données du marché immobilier de son ressort ».
Les enseignements du droit comptable sont de plusieurs ordres. D’une part, l’évaluation de l’usufruit doit intervenir dans une perspective de continuité de l’entreprise et non dans une perspective de cessation d’activité.
D’autre part, le droit comptable présuppose que le prix est le résultat d’une transaction où chaque partie a eu l’intention de maximaliser son propre profit, tenant compte de la situation particulière dans laquelle chacune d’elle se trouve et de son appréciation des circonstances de fait.
L’évaluation reflétera en ce sens également la valeur de convenance - ou d’inconvenance - qu’il présente pour son acquéreur (telle par exemple l’économie d’échelle réalisée par une entreprise qui par l’acquisition d’un droit d’usufruit étendra son unité de production par opposition aux coûts générés par une délocalisation totale ou partielle de celle-ci) ainsi que les clauses subjectives - telles des clauses de non-concurrence - figurant dans l’acte d’acquisition.
La valeur d’acquisition se distingue, ce faisant, sensiblement de la valeur vénale laquelle n’englobe pas d’éléments relevant l’appréciation subjective de l’acquéreur tels la valeur de convenance ou la valeur affective que le bien peut représenter pour ce dernier, pas plus que les mobiles qui ont conduit l’entreprise à acquérir un usufruit .
Quant aux critères et méthodes d’évaluation dégagés par la Jurisprudence, le Tribunal de Première Instance de Mons dans son jugement du 28 février 2005 a consacré la formule de Jan Verhoeye qui vise à évaluer l’usufruit selon la formule suivante : (loyer annuel brut – frais annuel ) x 1-1/(1+i)n/i .
Cette formule ne prévoit pas l’intégration de paramètres subjectifs. En outre cette méthode apparaît d’autant minimaliste que, comme le font remarquer d’autres auteurs , elle réduit l’usufruit à son rendement locatif alors que les mobiles qui conduisent une entreprise à acquérir un usufruit sont de nature diverse, tantôt spéculative, tantôt financière (en vue de modifier l’image bilantaire de l’entreprise), tantôt opérationnelle, etc…. tantôt l’une et les autres. Elle ne permet pas la prise en considération des différentes prérogatives inhérentes à l’usus dont l’usufruitier est titulaire.
Il nous apparaît difficilement réalisable de dégager une formule unique d’évaluation du prix d’achat d’un usufruit d’un immeuble tant les critères d’évaluation que l’appréciation de leur degré d’importance peuvent diverger d’une entreprise à une autre.
Implications juridiques et fiscales des constructions érigées par l’usufruitier à l’expiration du droit d’usufruit
Notarius, mai-juin 2004
Une question à laquelle nous sommes souvent, directement ou indirectement, confrontés est celle relative au traitement fiscal du « transfert » de la propriété des constructions érigées par l'usufruitier au propriétaire du terrain et ce, sans contrepartie en espèce ou en nature.
De telles opérations sont en effet très fréquemment effectuées entre un dirigeant d'entreprise et «sa» société ou encore entre deux sociétés liées, l'une opérationnelle, l'autre patrimoniale.
L'objectif du présent articulet consiste à dégager très succinctement les principales conséquences de cette situation en droit civil et en matière d'impôts directs eu égard à ces deux hypothèses.
1. Les aspects juridiques.
1. 1. Propriété des constructions.
Pendant toute la durée de l'usufruit, l'usufruitier est et demeure - sauf clause contraire - propriétaire des constructions qu'il érige sans qu'il soit nécessaire de préciser dans l'acte constitutif d'usufruit que le nu-propriétaire renonce à l'accession au profit de l'usufruitier. En ce sens, un tel acte constitue par lui- même une preuve permettant de renverser la présomption contenue dans l'article 553 du Code civil.
En effet, selon le Professeur Hansenne (Voy. J. HANSENNE, L'accession, Rép.Not. T.II livre I, Larcier, Bruxelles, pp.90 et suivantes), l'usufruitier est titulaire d'un droit de superficie-conséquence soumis aux dispositions applicables au droit d'usufruit et suit, en tous points le sort de ce droit , sans que soient applicables les dispositions établies par la loi du 10 janvier 1824 réglementant le droit de superficie et notamment la règle impérative relative à la durée maximum de 50 ans prévue à l'article 6 (Voy. J. HANSENNE, Les biens, Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1996, pp.1248 et 1249 et A. VAN MUYLDER et J. V ERSTAPPEN, Problèmes actuels relatifs au droit d'accession, à la renonciation de ce droit et au droit de superficie, R.G.E.N. n°2 4156, p. 374).
Ce droit de superficie accessoire est opposable aux tiers sans autre formalité que la transcription de l'acte de constitution de droit d'usufruit lui- même.
1.2. Indemnisation des constructions.
L'article 599 du Code civil précise que l'usufruitier ne peut à la cessation réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il a faites encore que la chose soumise à son droit en soit augmentée.
La Cour de Cassation et la majorité de la Doctrine considèrent que le terme amélioration ne peut être étend u à toutes les constructions qui respecte nt la substance de la chose, e.g. un terrain à bâtir, et certainement pas à de nouveaux bâti ment s érigés dont la valeur dépasse largement le montant des revenus de l'usufruit.
C'est vers le droit commun qu'il convient de se tourner pour dégager les principes généraux en matière d'indemnisation de telles constructions partant du postulat qu'à terme, le nu-propriétaire entendra conserver les bâtiments érigés par l'usufruitier.
A cet égard, il existe deux tendances que nous nous contenterons d'évoquer. La première veut que l'article 555 du Code civil s'applique et qu'en l'espèce, les bâtiments érigés par l' usufruitier soient qualifiés de travaux susceptibles d'enlèvement, cette disposition prévoyant au demeurant que le nu-propriétaire qui décide de conserver de tels bâtiments doit rembourser à l' usufruitier la valeur des matériaux et le prix de la main d'œuvre sans égard à la plus ou moins grande valeur que le fonds a pu recevoir.
Habiter aux frais de sa société, une opération risquée ?
Revue Générale de Fiscalité N°10, octobre 2003
Le présent article analyse les principales incidences juridiques, comptables et fiscales d’une opération consistant en la constitution à titre onéreux par un dirigeant d’entreprise d’un droit d’usufruit portant sur un immeuble nu ou bâti, dont celui-ci est plein propriétaire et ce, au profit de la société dans laquelle il exerce son activité professionnelle.
Par la suite, l’immeuble bâti ou à bâtir serait mis gratuitement à disposition du dirigeant d’entreprise.
L’objectif d’une telle opération est de permettre au dirigeant d’entreprise de se procurer rapidement des liquidités et de faire supporter par la société les charges inhérentes à l’immeuble bâti ou à bâtir qui sera mis gracieusement à sa disposition. En outre, dans le cas d’un immeuble à bâtir, celui-ci deviendra la propriété du dirigeant d’entreprise à l’expiration du droit d’usufruit et ce sans que le droit proportionnel de 12,5%/10% ne soit dû.
Etant donné les avantages fiscaux que cette opération procure, l’administration fiscale a souvent tenté de la combattre de différentes manières, tantôt en taxant le dirigeant d’entreprise sur le produit de la cession de l’usufruit, tantôt en essayant de rejeter la déductibilité dans le chef de la société des frais inhérents à l’immeuble mis à disposition du dirigeant.
Dans le cadre de cette étude, après un bref exposé des aspects juridiques, nous examinerons à la fois les conséquences comptables et fiscales d’une telle opération tant dans le chef du dirigeant d’entreprise que dans le chef de la société. Pour ce faire, nous analyserons les différents étapes de l’opération à savoir : la constitution du droit d’usufruit, l’érection de bâtiments par la société usufruitière, la mise à disposition gratuite de l’immeuble par la société usufruitière au profit du dirigeant d’entreprise et enfin l’expiration du droit d’usufruit. Nous tenterons également de répondre aux moyens invoqués par l’administration pour combattre une telle opération.
I. LES ASPECTS JURIDIQUES DU DROIT D’USUFRUIT ET DE NUE - PROPRIETE
L’objectif de cette rubrique n’est pas d’inventorier de façon exhaustive les droits et obligations de l’usufruitier et du nu-propriétaire mais plutôt de décrire les caractéristiques élémentaires des droits de nue-propriété et d’usufruit qui ne manqueront pas d’influencer le droit comptable et le droit fiscal.
1. Usufruit
L’usufruit se définit comme étant un droit réel permettant à son bénéficiaire d’user et de jouir temporairement d’un bien appartenant à autrui, à charge d’en conserver la substance et d’en jouir en bon père de famille .
L’usufruitier est ainsi titulaire d’un double droits celui d’user de la chose, le ius utendi et celui d’en percevoir les fruits, le ius fruendi.
Le droit d’usage dont bénéficie l’usufruitier est aussi étendu que celui dont jouit le plein propriétaire, à savoir : le droit de se servir de la chose, conformément à sa destination. L’usufruitier jouit des droits de servitudes et de passage et son droit s’étend aux immeubles par destination et à tout ce qui s’ajoute à la chose par accession .
Le droit de percevoir les fruits porte sur les fruits civils ainsi que sur les fruits naturels, les premiers recouvrant généralement les revenus pécuniaires que l’on retire d’un bien au moyen d’un contrat qui en concède la jouissance à autrui, les seconds étant les produits du sol et des animaux.
L’usufruit est un droit viager, c’est à dire que sa durée d’existence ne peut jamais dépasser la durée de vie de l’usufruitier et s’agissant d’un usufruit concédé à une personne morale, il ne peut excéder 30 ans . Cette règle est d’ordre public.
L’usufruitier est titulaire d’un droit réel, absolu, lui permettant d’agir directement contre les tiers en cas de trouble de jouissance. Il bénéficie des avantages découlant de la protection possessoire, de l’action en revendication, du droit de suite et de préférence.
L’usufruitier peut en outre grever son droit d’une hypothèque et consentir un droit d’emphytéose sur l’immeuble dont il est usufruitier.
L’opposabilité aux tiers de l’acte de constitution d’usufruit est subordonnée à sa transcription à la conservation de l’hypothèque .
2. Nue-propriété
Durant l’exercice du droit d’usufruit, le dirigeant d’entreprise ne dispose plus que d’une propriété restreinte au ius abutendi, appelée nue-propriété.
Le ius abutendi étant le droit de disposer, il implique le droit d’abandonner le bien, d’en disposer juridiquement ou encore de le conserver et ce sans nuire aux droits de l’usufruitier conformément à l’article 599 alinéa premier du Code civil. Il pourra par exemple aliéner l’immeuble à un tiers sans porter atteinte aux droits de l’usufruitier et ce pour autant que l’acte de constitution d’usufruit ait été transcrit.
II. LES ASPECTS COMPTABLES ET FISCAUX LORS DE LA CONSTITUTION DE
L’USUFRUIT
1. Dans le chef de la société usufruitière
1.1 Aspects comptables
Le traitement comptable du droit d’usufruit dans le chef de la société dépendra des modalités de paiement de la contrepartie convenue par les parties.
Lorsque l’usufruit est consenti moyennant le paiement de redevances payées par anticipation au moment de la conclusion du contrat, la Commission des normes comptables, dans son avis 162/2 du mois de mars 1991 précise que la société usufruitière comptabilisera son droit réel à sa valeur d’acquisition sous la rubrique III. A. «Terrains et constructions ». Le droit d’usufruit étant par essence limité dans le temps, sa valeur d’acquisition, même s’il porte sur un bien dont l’utilisation n’est pas limitée dans le temps, sera prise en charge selon un plan approprié basé sur la durée du droit d’usufruit ou sur la durée d’utilisation économique de l’immeuble si cette dernière est plus courte.
Lorsque l’usufruit est consenti moyennant le paiement de redevances échelonnées, le régime comptable de l’usufruit différera selon que la convention de constitution d’usufruit stipule que les redevances payées par le preneur permettent ou non la reconstitution du capital investi par le nu-propriétaire, outre les intérêts et les charges de l’opération. Dans l’hypothèse où les redevances payées par l’usufruitier permettent de reconstituer le capital investi par le nu-propriétaire, outre les intérêts et les charges de l’opération, l’on parlera de leasing financier ou full pay out. Dans le cas contraire, il s’agira d’un leasing dit opérationnel ou non full pay out.
Dans le cadre d’un leasing financier, l’article 95 de l’Arrêté Royal portant exécution du Code des sociétés précise en substance que sont portés sous la rubrique III. D. « Location-financement et droits similaires » les droits d'usage à long terme sur des immeubles bâtis dont la société dispose en vertu de contrats d'emphytéose, de superficie, de location-financement ou de conventions similaires dans la construction.
Il conviendra dès lors de comptabiliser à l’actif sous la rubrique III.D. au titre d’immobilisation corporelle détenue en location-financement les redevances échelonnées représentant le capital investi et de les amortir sur la durée normale d’utilisation du bien. On enregistrera au passif un montant équivalent sous la rubrique VIII.A.3 « dette de location-financement ». Lors du paiement des redevances, le montant de celles-ci se rapportant au capital sera porté en déduction de la dette alors que celui se rapportant aux intérêts sera comptabilisé au titre de charges.
Dans l’hypothèse ou les redevances ne permettent pas la reconstitution du capital investi dans la construction (leasing opérationnel), ces dernières constitueront une charge de l’année à laquelle elles se rapportent.
1.2. Aspects fiscaux
1.2.1. Droit d’enregistrement
En vertu de l’article 44 du code des droits d’enregistrement (C.Enr.), un droit de 12,5% / 10% est dû en cas de vente, échanges et toutes conventions translatives à titre onéreux de propriété ou d’usufruit de biens immeubles. Le droit est liquidé en ce qui concerne les ventes sur le montant du prix et des charges stipulées et en ce qui concerne les autres conventions translatives, sur la valeur conventionnelle de la contre-prestation stipulée à charge de l’acquéreur de l’immeuble. Toutefois, la base imposable ne peut en aucun cas être inférieure à la valeur vénale des immeubles transmis (Articles 45 et 46 C.Enr.).
Lorsque l’usufruit est établi au profit d’une personne morale, pour un temps limité, à savoir 30 ans maximum, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4% le revenu annuel compte tenu de la durée assignée à l’usufruit sans que ladite valeur vénale assignée à l’usufruit puisse être supérieure aux quatre cinquièmes de la valeur vénale de la pleine propriété (Article 47 C.Enr.).
1.2.2. Amortissements
Il convient de noter qu’un usufruit consenti moyennant le paiement d’une redevance unique offre l’avantage à la société usufruitière de pratiquer des amortissements fiscalement déductibles indépendamment du bien sur lequel il porte . Dès lors, lorsque l’usufruit porte sur un terrain non bâti, la société usufruitière pourrait pratiquer des amortissements sur la durée d’utilisation du droit.
Il faudra cependant veiller à ce que le prix payé pour l’usufruit représente la valeur de marché. En effet, si le prix comporte un surprix, indépendamment des conséquences dans le chef du dirigeant d’entreprise (V. infra), la société usufruitière pourrait se voir refuser la déductibilité fiscale de l’amortissement à due concurrence.
1.2.3. Précompte immobilier
La société usufruitière sera redevable, sauf convention contraire, du précompte immobilier lequel constituera une charge professionnelle déductible.
2. Dans le chef du dirigeant d’entreprise
Etant donné que nous partons de l’hypothèse que le bien donné en usufruit ne fait pas partie du patrimoine professionnel du dirigeant d’entreprise, nous limiterons notre analyse uniquement aux aspects fiscaux et non comptables de l’opération.
2.1. Revenus Immobiliers
Les redevances obtenues par un dirigeant d’entreprise en contrepartie de la constitution d’un droit d’usufruit ne constituent pas des revenus immobiliers imposables.
En effet, les termes « droits immobiliers similaires » que l’on retrouve dans l’expression « sommes obtenues à l’occasion de la constitution ou la cession d’un droit d’emphytéose ou de superficie ou de droits immobiliers similaires » reprise aux articles 7, §1, 3° et 10, §1, al 1 du CIR ne s’étendent pas aux sommes obtenues à l’occasion de la constitution d’un usufruit.
Le commentaire 10/6 du Code des impôts sur les revenus précise à ce sujet que les sommes obtenues à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un droit d'usufruit portant sur un bien immobilier sis en Belgique ou à l'étranger ne constituent pas des revenus de biens immobiliers pour l'application de l'impôt des personnes physiques.
Le Ministre des Finances en réponse à une question posée à ce sujet par M. De Clippele en date du 27 juillet 1987 a lui même précisé que l’usufruit ne peut être assimilé à un droit immobilier similaire alors que de son côté le législateur avait précisé que cette expression recouvrait tous les droits d’usage à long terme portant sur des biens immobiliers.
2.2. Revenus mobiliers
La partie des redevances se rapportant aux intérêts payés dans le cadre d’un leasing financier donnera lieu à la perception d’un précompte mobilier.
1.2 Revenus de dirigeant d’entreprise dans la mesure où les loyers excèdent les cinq tiers du revenu
cadastral
Il résulte de l’article 32 CIR que les rémunérations des dirigeants d'entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique qui exerce un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues et notamment, par dérogation à l'article 7 CIR, le loyer et les avantages locatifs d'un bien immobilier bâti donné en location par ces derniers à la société dans laquelle ils exercent leur activité, dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé à l'article 13 CIR.
Cette mesure législative avait été adoptée en vue de mettre fin à la technique d’évasion fiscale qui consistait, pour les dirigeants d’entreprise à transformer un revenu professionnel en revenu immobilier pour les immeubles qu’ils donnent en location à leur propre société.
Toutefois, dans une circulaire du 4 mai 1993 , l’Administration précisait que, outre les immeubles non bâtis, la disposition précitée n’est pas d’avantage applicable aux immeubles bâtis dont le droit d’usage est cédé en vertu d’une convention d’emphytéose, de superficie ou d’usufruit ou en vertu de droits immobiliers similaires tel un contrat de leasing immobilier.
Le Ministre des Finances a cependant rappelé à plusieurs reprises que l’article 32 CIR ne pouvait s’appliquer dans le cadre d’un contrat d’usufruit pour autant que l’acte dressé reflète la réalité et n’est donc pas simulé. En outre, il est toujours loisible à l’Administration d’invoquer l’article 344 §1 CIR et le cas échéant, de qualifier une convention de constitution d’usufruit en une convention de bail lorsqu’elle établit que cette qualification a été adoptée dans le but d’éviter l’application de l’article 32 alinéa 2,3° CIR.
Le Tribunal de Première instance d’Anvers a rendu récemment deux jugements à ce sujet, un premier datant du 19 juin 2002 et un second en date du 6 janvier 2003.
Les faits de la cause du premier jugement sont les suivants. En date du 29 décembre 1994, une personne ayant la qualité d’administrateur délégué d’une société anonyme ainsi que son frère ont constitué un droit d’usufruit moyennant le payement d’un prix unique de BEF 13.000.000 au profit de ladite société anonyme sur une partie des bâtiments d’une valeur de BEF 10.209.836 dont ils étaient co-propriétaires.
L’Administration décida de requalifier dans le chef du dirigeant d’entreprise la convention de constitution d’usufruit en convention de location à long terme.
Elle considéra que compte tenu que la convention prévoyait un prix disproportionné par rapport au coût d’acquisition de la partie des immeubles sur laquelle portait l’usufruit, il était dès lors évident que l’objectif poursuivi par les parties était d’éviter l’impôt.
Le Tribunal décida d’annuler la cotisation enrôlée à charge du dirigeant d’entreprise sur base des arguments suivants :
• Le simple fait que le prix de cession de l’usufruit est disproportionné par rapport à la valeur d’acquisition de l’immeuble démontre uniquement que le prix de cession de l’usufruit est exagéré et non pas que la qualification juridique donné à l’acte a pour but d’éviter l’impôt ;
• Même si l’administration était en mesure de démontrer que la qualification juridique donnée par les parties avait pour but d’éviter l’impôt, l’article 344 §1 CIR ne pouvait pas s’appliquer dans la mesure où la qualification choisie répondait à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ;
• Le Tribunal ajoute que la qualification juridique n’a pas seulement pour but d’éviter l’impôt mais également de répondre à des besoins légitimes de caractère économiques ou financiers et que dès lors le contribuable a le droit de choisir la voie la moins imposée.
Etant donné que le contribuable pouvait suite à la cession d’usufruit disposer immédiatement de l’entièreté du prix de cession par opposition à un contrat de location dont les loyers auraient été échelonnés sur la durée du contrat, ceci justifie selon la Cour que la qualification juridique donnée par les parties à l’acte répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.
Notons à cet égard que le Tribunal se distancie des décisions rendues par la commission des accords fiscaux préalables qui s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question.
Dans la première décision , l’unique argument soulevé par le dirigeant d’entreprise était qu’il manquait de liquidités pour financer l’achat ou la construction d’une nouvelle habitation familiale. Cet argument fut rejeté par la Commission.
A l’occasion d’une deuxième décision , la Commission fut amenée à se prononcer à propos de l’achat d’un immeuble dont la nue-propriété était acquise par les associés et l’usufruit par la société. L’opération était motivée par le fait que l’établissement financier auprès duquel la société souhaitait contracter un prêt exigeait des garanties supplémentaires de la part des associés sous la forme d’un apport en capital. Les associés ne disposant pas des moyens financiers nécessaires pour effectuer ledit apport, ils entendaient procéder à l’opération telle que décrite ci-avant.
La commission rétorqua que dans les deux hypothèses, à savoir l’acquisition de la nue-propriété ou l’apport en capital à la société, les associés devaient conclure un prêt. Que l’acquisition de la nue-propriété constitue une garantie pour les associés relativement au prêt qu’ils contractent et n’est par conséquent pas une garantie supplémentaire pour la société. La Commission en conclut qu’il n’était pas démontré que la qualification juridique donnée par les parties réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique dans le chef de la société.
En outre, il est dommage que dans le cas d’espèce, le Tribunal d’Anvers ne se soit pas prononcé explicitement sur la possibilité de requalifier une convention d’usufruit en contrat de location long terme. Il a simplement décidé que l’article 344 §1 CIR ne trouvait à s’appliquer, la qualification juridique donnée par les parties à l’acte répondant à des besoins légitimes d’ordre économique ou financier.
A ce propos, nous pouvons nous demander si l’argument avancé par les parties à savoir la faculté de disposer immédiatement du prix de la cession est propre à la cession d’un droit d’usufruit. En effet, même si ce n’est pas l’usage, rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’un loyer soit payé de manière anticipative. Aussi, l’argumentation avancée par les parties serait sans effet dans le cas d’espèce.
En pratique, la première étape est de s’interroger sur les possibilités de requalification au lieu de s’efforcer de démontrer que l’acte réponde à des besoins légitime de caractère économique ou financier.
En effet, le raisonnement sous-jacent à l’application de l’article 344 §1 du CIR est un raisonnement en trois temps :
2. L’(les) acte(s) juridiques incriminé(s) doit(ven)t pouvoir être requalifié(s) ;
3. La requalification peut être opérée si la qualification juridique choisie par les parties vise exclusivement à éviter l’impôt ;
4. Sauf si le contribuable peut prouver que l’opération réponde à des besoins légitimes de caractère économique ou financier.
Dans son jugement du 6 janvier 2003, le Tribunal de Première Instance d’Anvers s’est prononcé en faveur de l’application de l’article 344 § 1 du CIR à tout le moins en ce qui concerne la requalification qu’a opérée l’administration fiscale tout en laissant aux contribuables la possibilité d’apporter ultérieurement la preuve de besoins légitimes de caractère économique ou financier.
Les faits sont les suivants, une société acquière l’usufruit d’une maison d’habitation pour une durée de 27 ans, un couple - dont l’un des époux est administrateur de ladite société - et leurs deux enfants acquièrent quant à eux la nue-propriété du bien dans les proportions suivantes à savoir 60% - 40%.
La société donne ensuite partiellement l’immeuble en location aux époux dont question ci-avant aux termes d’un bail conclu pour une durée maximale de 9 ans.
L’administration fiscale suivie par le Tribunal de Première Instance d’Anvers requalifie ces opérations en invoquant l’article 344 § 1 CIR.
Sur base des motifs et du dispositif de ce jugement, il appert que l’administration fiscale requalifie les actes dont question ci-avant, à savoir l’achat de l’immeuble pour partie en usufruit par la société et pour partie en nue-propriété par les parents et leurs enfants suivi de la location par la société usufruitière aux époux, en un bail consenti par lesdits époux à la société. En fait, de façon étrange, l’administration requalifie le prix d’achat de l’usufruit en un loyer payé anticipativement et impose corrélativement les « revenus fictivement perçus » à titre de revenus immobiliers dans le chef de l’un des époux et à titre de rémunération de dirigeant d’entreprise dans le chef de l’autre époux.
Cette décision n’a pas manqué de nous interpeller en ce qu’elle méconnaît selon nous les principes élémentaires qui sous-tendent l’application de la mesure anti-abus que constitue l’article 344 § 1 CIR .
En effet, l’acte (ou les actes) dont la qualification est inopposable doi(ven)t être requalifié(s) conformément à la loi .
Il en résulte relativement au cas d’espèce deux implications majeures.
La première est que la qualification que l’administration fiscale entend substituer à celle adoptée par les parties doit résulter de la loi, l’article 344 § 1 CIR ne permettant pas à l’administration de procéder à une requalification qui serait fondée sur un critère particulier comme par exemple les conséquences économiques des actes considérés. En ce sens, il n’y a aucune dérogation au droit commun.
D’autre part, l’application de l’article 344 § 1 CIR n’est applicable qu’aux actes par rapport auxquels les parties ont une marge de manœuvre quant à leur qualification. Les actes incorrectement qualifiés et les actes qui ne sont pas susceptibles de faire l’objet de plusieurs qualifications légales échappent à l’application de la disposition.
En d’autres termes, lorsque l’administration substitue à la qualification adoptée par les parties une nouvelle qualification, elle se doit de respecter les effets juridiques de(s) l’acte(s) incriminé(s). Il n’est ainsi pas question pour les autorités fiscales de préférer à la qualification adoptée par les parties une qualification incorrecte ou fausse qui méconnaîtrait à la fois les effets juridiques « externes » et la réalité juridique des actes critiqués ou encore, une qualification fondée sur les conséquences économiques des
actes .
Th. Afschrift précise d’ailleurs à ce sujet : « Ce n’est donc lorsque plusieurs qualifications, toutes correctes en droit et conformes aux faits, sont possibles, c'est-à-dire sont applicables aux faits et aux actes accomplis par les parties, que l’article 344 § 1 entre en jeu ».
Aussi des actes posés par les parties dans le cas soumis au Tribunal de Première Instance d’Anvers, à savoir l’achat de l’usufruit par la société, de la nue-propriété par le couple de contribuables et leurs enfants à concurrence de 60%-40% et la location par la société aux époux, il nous semble difficile d’admettre que ceux-ci réalisent en fait une seule opération consistant en une location par la société auxdits époux.
Cette position revient incontestablement à faire table rase de la réalité juridique afférente aux actes entrepris par les protagonistes, à nier les relations juridiques existant entre eux et à faire prévaloir une relation fictive purement fiscale - qui aux dires même du Tribunal d’Anvers ne porterait pas atteinte aux conséquences civiles des actes - qu’une correcte application de l’article 344 § 1 ne permet pas.
Dans le même ordre d’idées, le Tribunal en requalifiant le droit d’usufruit dont est titulaire la société en un contrat de location (dont les loyers seraient payés anticipativement) consenti par les deux époux à cette dernière fait fi des caractéristiques spécifiques propres à chacun de ces droits mais aussi de la « titularité » de ces droits dans leur chef, l’usufruit étant payé à un tiers et non pas aux époux.
En effet, force est de constater que outre des différences de traitement comptables quoique pas toujours déterminantes dans le cas d’une convention de location-financement, il existe des différences notables quant au traitement juridique des deux conventions et de leur objet, qui ne relèvent pas uniquement de la sémantique.
Parmi les plus significatives nous avons, entre autres, relevé que :
• L’usufruitier est titulaire d’un droit réel, absolu, lui permettant d’agir directement contre les tiers en cas de trouble de jouissance. Il bénéficie des avantages découlant de la protection possessoire, de l’action en revendication, du droit de suite et de préférence. Le preneur n’est détenteur que d’un simple droit de créance.
• Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation, ce qui n’est pas le cas du nu-propriétaire.
• Le nu-propriétaire n’est tenu qu’aux grosses réparations, ce qui n’est pas le cas du bailleur qui est tenu aux réparations autres que les réparations locatives.
• L’usufruit portant sur un immeuble est à ranger parmi les biens immobiliers alors que le droit du preneur même s’il porte un immeuble reste un droit mobilier.
• L’acte de constitution d’usufruit est un acte translatif, opposable aux tiers dès sa transcription à la conservation des hypothèques.
• L’usufruitier est titulaire d’un double droit celui d’user de la chose et celui d’en percevoir les fruits au même titre que le locataire si ce n’est que concernant ce dernier, il n’a pas droit aux revenus non périodiques. L’usufruitier peut en outre grever son droit d’une hypothèque ou consentir un droit d’emphytéose. En ce sens, l’usufruitier bénéficie incontestablement de droits plus étendus que le locataire.
• L’usufruit est, contrairement au bail, un droit viager. Cette règle est d’ordre public.
• L’usufruitier peut mettre fin unilatéralement à son usufruit, ce qui n’est pas le cas du preneur etc...
Si nous convenons qu’il est théoriquement concevable à coup de clauses contractuelles de dénaturer et de faire ressembler au point de les confondre une convention de location à une convention de constitution d’usufruit et réciproquement; il n’en reste pas moins qu’il relèvera de l’exégèse de considérer que les deux qualifications sont équivalentes en tous points et de procéder à une requalification d’une convention de constitution d’usufruit en une convention de bail compte tenu de la nature intrinsèque du droit d’usufruit et de ses différentes caractéristiques par rapport à celle du droit au bail.
En d’autres termes même si nous rejoignons le point de vue de certains auteurs et du Tribunal en ce qu’une telle requalification est « conceptuellement » possible, il semble qu’en pratique, elle sera extrêmement difficile, voire impossible à démontrer compte tenu des différences existant entre ces deux droits.
En revanche, la simulation constitue à notre sens une arme bien plus redoutable dans l’hypothèse où il est démontré que les parties n’ont pas respecté toutes les conséquences de leurs actes comme par exemple les formalités en matière de conflits d’intérêts, et notamment dans le cadre de la cession d’un usufruit d’un terrain non bâti le fait que les factures de constructions soient adressées au dirigeant d’entreprise plutôt qu’à la société usufruitière du terrain , etc….
2.4. Régime des plus-values
2.4.1. Taxation des plus-values réalisées dans le cadre de la gestion normal d’un patrimoine privé
Nous ne ferons ici que rappeler brièvement les grandes lignes du régime de taxation au titre de revenus divers des plus-values réalisées à l’occasion de la constitution d’un droit d’usufruit sur un immeuble bâti ou nu par un dirigeant d’entreprise agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé.
Les articles 90 8° et 10° CIR permettent de taxer au titre de revenus divers les plus-values réalisées à court terme par une personne physique à l’occasion de la cession à titre onéreux de certains immeubles bâtis ou non-bâtis ainsi que de droits réels autres qu’un droit d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire portant sur les même biens.
L’expression « droits réels autres qu’un droit d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire » couvre, entre autre, le droit d’usufruit .
D’autre part, le Ministre des Finances a récemment fait valoir que la constitution d’un droit d’usufruit est à considérer comme une cession de droit réel à laquelle sont applicables les dispositions précédentes . Cette position Ministérielle a fait l’objet de critiques de la part de certains auteurs dont l’un des arguments rappelle qu’un texte clair n’est pas sujet à interprétation.
En ce qui concerne la détermination du montant de la plus-value réalisée à l’occasion de la constitution d’un droit d’usufruit portant sur un immeuble bâti ou non-bâti, elle est déterminée par application de l’article 54 de l’Arrêté Royal d’exécution du CIR.
2.4.2. Taxation des plus-values réalisées dans le cadre d’opérations spéculatives
Si la plus-value réalisée à l’occasion de la constitution du droit d’usufruit ne tombe pas sous le champ d’application des dispositions précédentes, encore faut-il apprécier si l’opération n’a pas été conclue avec intention spéculative avant de conclure à l’absence de taxation. L’article 90, 1° CIR impose, au taux distinct de 33%, les bénéfices ou profits occasionnels réalisés à l’occasion d’une vente d’immeuble ne faisant pas partie du patrimoine professionnel quand l’opération intervenue excède les limites normales de la gestion d’un patrimoine privé.
L’appréciation de l’existence ou non d’une intention spéculative est une question de fait, laissée à l’appréciation du juge. Il existe à ce sujet une jurisprudence abondante dont nous ne ferons pas état ici.
Relevons simplement que parmi les principaux critères pris en considération parfois isolément, parfois cumulativement par les Cours et Tribunaux, il y a le financement de l’opération par emprunt, l’importance du gain par rapport à la mise initiale, la rapidité des opérations effectuées, la fréquence des opérations…..
III. IMPLICATIONS JURIDIQUES, COMPTABLES ET FISCALES SUITE A L’ERECTION
DE CONSTRUCTIONS PAR LE SOCIETE USUFRUITIERE
A supposer que l’usufruit porte sur un terrain à bâtir, nous analysons ci-après les conséquences de l’érection de constructions par la société usufruitière.
1. Les aspects juridiques
Lorsque le dirigeant d’entreprise consent à sa société un droit d’usufruit sur un terrain à bâtir et que cette dernière érige des constructions sur celui-ci dans le but de mettre le bien à disposition du dirigeant d’entreprise, il convient de circonscrire les droits des deux parties relativement aux bâtiments lorsque rien n’a été convenu dans l’acte de constitution d’usufruit.
L’article 546 du Code civil stipule que la propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur tout ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit est le droit d’accession.
Il est admis que ce droit porte d’une part sur les éléments produits par la chose (accession par production) et d’autre part sur les éléments incorporés à la chose (accession par incorporation). Dans ce dernier cas, il convient encore de distinguer les règles qui ont trait à l’accession résultant d’un phénomène naturel, on parlera de l’accession naturelle de celles qui traitent de l’accession comme résultant du fait de l’homme, c'est-à-dire l’accession artificielle.
Relativement aux constructions érigées par la société usufruitière il importe de s’interroger sur le moment à compter duquel elles deviendront la propriété du dirigeant d’entreprise. Est-ce au fur et au fur et à mesure de leur érection que ces constructions vont intégrer le patrimoine du nu-propriétaire ? En d’autres termes est-ce que l’accession opère avec effet immédiat ? Où est-ce au terme de l’usufruit que celles-ci deviendront la propriété du dirigeant d’entreprise, l’accession opérant de manière différée ?
L’on perçoit d’emblée toute l’importance de la question.
D’un arrêt de la Cour de cassation française du 7 mars 1955 rendu à propos de constructions élevées par un locataire, situation mutatis mutandis transposable à celle qui nous occupe, et de la majorité des auteurs ayant traité de la question , il résulte que le principe de l’accession différée prédomine.
L’accession étant à considérer comme un mode volontaire d’acquisition de la propriété, l’accession s’opérera dès que le (nu-) propriétaire aura manifesté sa volonté d’acquérir les constructions élevées par l’usufruitier.
L’article 578 du Code civil stipule que l’usufruitier a le droit de jouir du bien comme le propriétaire lui-même. Aussi lorsque l’usufruit porte sur un terrain à bâtir, il semble évident que la société usufruitière est en droit d’ériger sur celui-ci des constructions sans en altérer la substance, la substance d’un terrain à bâtir pouvant être définie dans le cas d’espèce comme la vocation dudit terrain à servir de support à des constructions. En ce sens, sauf clause contraire prévue dans l’acte de constitution, le nu-propriétaire n’est pas en mesure de s’opposer à pareille construction.
En d’autres termes, pendant toute la durée de l’usufruit, la société usufruitière est et demeure naturellement propriétaire des constructions sans qu’il soit nécessaire de stipuler dans l’acte constitutif d’usufruit que le (nu-)propriétaire renonce à l’accession au profit de l’usufruitier.
En ce sens, l’acte de constitution du droit d’usufruit constitue par lui-même une preuve permettant de renverser la présomption contenue dans l’article 553 du Code civil qui précise que toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est pas prouvé.
Selon le Professeur J. Hansenne , en pareil cas, l’usufruitier doit être considéré comme titulaire d’un droit de « superficie-conséquence » en manière telle que si l’on ne se trouve pas devant un droit de superficie issu d’une convention auquel serait applicable la loi de 1824 réglementant le droit de superficie, ce droit résulte inéluctablement du caractère volontaire et différé de l’accession .
Ce droit de superficie accessoire sera opposable aux tiers sans autre formalité que la transcription de l’acte de constitution de droit d’usufruit lui-même sauf simulation.
2. Aspects comptables et fiscaux
En droit comptable, l’avis de la Commission des Normes Comptables précise que le sort des constructions érigées sur terrain d’autrui doit s’analyser au regard de la convention conclue. Dans le cas d’espèce, si la convention d’usufruit ne prévoit rien en matière de construction, comme nous l’avons vu précédemment, la société usufruitière est propriétaire des biens. Dès lors, cette dernière activera les constructions et sera redevable du précompte immobilier y relatif.
La société usufruitière pratiquera également des amortissements à concurrence de la durée du contrat restant à courir ou sur la durée d’utilisation du bien si celle-ci est plus courte . Cette position est également défendue par la Doctrine .
Le Tribunal de Première Instance de Namur en date du 26 juin 2002 a quant à lui confirmé que la période d’amortissement à prendre en considération est celle qui correspond à la durée de la convention. Le tribunal fonde sa décision, entre autres, en se référant au commentaire administratif 61/265 relatif aux constructions érigées par le locataire, situation mutatis mutandis transposable à notre hypothèse comme nous l’avons mentionné ci-avant.
Enfin, sur le plan des droits d’enregistrement, un acte portant constitution droit de superficie doit, en principe, être enregistré et sujet à un droit proportionnel de 0,2% perçu sur le montant cumulé des redevances et des charges imposées au superficiaire pendant toute la durée de la convention. Cependant, s’agissant d’un droit de superficie considéré comme l’accessoire d’un contrat d’usufruit, il ne pourra être question de la perception d’un tel droit. En effet, ce droit est couvert par le droit de 12,5/10 % perçu sur la convention principale, à savoir la convention de constitution d’usufruit.
IV. CONSEQUENCES FISCALES EN CAS DE MISE A DISPOSITION GRATUITE DU
BIEN AU PROFIT DU DIRIGEANT D’ENTREPRISE
1. Conséquences dans le chef du dirigeant d’entreprise
Lorsque l’immeuble sur lequel porte l’usufruit est mis gratuitement à disposition du dirigeant d’entreprise, celui-ci pourrait être imposé sur base d’un avantage en nature.
L’article 32 CIR dispose que les rémunérations des dirigeants d’entreprise comprennent « les avantages, indemnités et rémunérations analogues à celles qui sont visées à l’article 31, alinéa 2, 2° , à savoir les avantages de toute nature « obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle ».
Cet avantage doit donc « trouver sa source dans l’exercice, par celui qui l’obtient, de son activité professionnelle ; qu’il se rattache à cette activité ; qu’il en constitue un produit direct ou indirect, principal ou accessoire. En d’autres termes, il doit y avoir un lien causal, une relation de cause à effet, entre l’exercice de l’activité professionnelle et l’obtention de l’avantage » .
L’article 18 de l’Arrêté Royal CIR établit à cet égard des règles d’évaluation forfaitaire en cas de mise à disposition gratuite d’immeubles.
L'avantage est fixé forfaitairement comme suit :
a) Lorsque le revenu cadastral de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble est inférieur ou égal à 745 EUR, l’avantage est fixé à 100/60 du revenu cadastral de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble, multiplié par 1,25
b) Lorsque le revenu cadastral de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble est supérieur à 745 EUR, l’avantage est fixé à 100/60 du revenu cadastral de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble, multiplié par 2;
S'agissant d'une habitation meublée, l'avantage est majoré de 2/3.
A ce sujet, il est important de noter que l’application de l’article 18 de l’Arrêté Royal CIR et des règles d’évaluation forfaitaire y figurant est impérative sans que les autorités fiscales puissent leur préférer une évaluation fondée sur la valeur réelle de l’avantage qui excéderait l’évaluation forfaitaire. Ceci a été confirmé par la Cour d’Appel de Gand en date du 4 décembre 2002 .
5. Conséquences dans le chef de la société
En vertu de l’article 49 CIR, sont déductibles à titre de frais professionnels les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants.
Or suivant une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, la déduction d’une dépense ou d’une charge exposée par une société est conditionnée également par son rattachement nécessaire à l’exercice de son activité sociale .
La Cour d’Appel de Liège dans un arrêt du 10 mars 1999 a refusé la déductibilité de frais relatifs à l’érection d’une maison d’habitation et supportés par une société de médecins, titulaire d’un droit d’emphytéose consenti à titre onéreux sur un terrain appartenant aux gérants de cette dernière. A cette occasion, la Cour a justifié son refus par le fait qu’il est donc incontestable que les dépenses d’une société doivent être en rapport de nécessité avec l’activité sociale telle qu’elle est définie dans ses statuts; Qu’il résulte de ces statuts que si la société peut réaliser des opérations immobilières, ces opérations doivent être nécessaires à la réalisation de son objet social (…) Que la Cour ne perçoit pas en quoi la réalisation d’un immeuble d’habitation (…) dont il n’est pas démontré qu’il serait affecté (…) à l’objet social plutôt qu’à d’autres activités (…) ne rentrant pas dans l’activité médicale répondrait aux impératifs requis par la loi pour que les charges afférentes à la constitution de cet actif soient déductibles conformément à l’article 49 CIR..
La Cour en conclut donc que l’opération revêt un caractère de libéralité.
Dans le cas d’espèce, il est important de souligner que les médecins payaient un loyer équivalent à la rente versée dans le cadre du droit emphytéose. En outre, la convention ne prévoyait aucune indemnité pour les constructions érigées sur le terrain. Dès lors, la société n’était pas en mesure de dégager un quelconque profit de cette opération.
La référence aux activités de la société telles qu’elles se trouvent définies dans ses statuts, c'est-à-dire par référence à l’objet social de la société fut également avancée par la même Cour d’Appel dans un arrêt du 28 avril 1999 , confirmé par la Cour de Cassation en date du 18 janvier 2001, pour refuser la déduction de dépenses inhérentes à des opérations de type « option call » et « option put » effectuées par une société dont l’objet social ne prévoyait pas ce type d’opérations.
A la lumière de ces arrêts récents, faut-il craindre que l’administration avance les mêmes arguments, c'est-à-dire se fonde sur le fait que les dépenses relatives à l’érection de la construction et à l’entretien de la maison d’habitation exposées par la société usufruitière sont inhérentes à une activité qui ne relève pas de l’objet social de cette dernière afin d’en refuser la déduction ?
Nous ne le pensons pas d’une part, cette condition n’est pas reprise à l’article 49 CIR comme l’ont rappelé certains auteurs . D’autre part, la notion d’objet social statutaire ne peut être prise en considération pour déterminer la déductibilité d’une charge. C’est au contraire la notion d’activité sociale qui doit être retenue, à savoir l’activité de la société qui produit des revenus taxables, même si cette activité sort de l’objet statutaire.
A propos de la situation qui nous occupe, nous estimons que la question de savoir si la mise à disposition gratuite d’un bien immeuble au profit du dirigeant entre bien dans l’activité sociale ou dans l’objet statutaire de la société n’est pas pertinente. Un raisonnement bien plus simple conduit à la déductibilité des charges y afférant. L’article 195 CIR prévoit que les dirigeants d’entreprise sont assimilés à des travailleurs pour l’application des dispositions en matière de frais professionnels et leurs rémunérations ainsi que les charges sociales annexes à celles-ci sont considérées comme des frais professionnels. En vertu de l’article 32 CIR, les rémunérations des dirigeants d’entreprise comprennent notamment les avantages, indemnités et rémunérations d’une nature analogue à celles qui sont visées à l’article 31, alinéa 2, 2° à 5° à savoir pour le 2°, les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle.
La mise à disposition gratuite de l’immeuble étant un avantage de toute nature taxé dans le chef du dirigeant d’entreprise, celui-ci est donc déductible sur base de l’article 195 CIR.
En outre, il n’est pas inutile d’établir un parallèle avec le commentaire administratif 66/41. Ce commentaire traite de la déductibilité des frais de voiture, dans le cas où un véhicule luxueux est utilisé exclusivement pour l’usage privé d’un cadre et que celui-ci est taxé sur l’avantage de toute nature correspondant. Le commentaire précise que pour éviter la double taxation, il n’y a pas lieu de limiter la quotité des frais qui se rapporte à l’usage du véhicule et de ce fait admet donc la déductibilité totale des frais du véhicule même à considérer qu’il excède les besoins dudit cadre.
Transposé à notre cas d’espèce étant donné que le dirigeant d’entreprise est imposé sur un avantage de toute nature, il y a lieu d’accepter la déductibilité des coûts inhérents à la construction dans le chef de la société et ce afin d’éviter la double taxation. En effet, si l’administration accepte la déductibilité totale de frais pour une voiture luxueuse, elle ne peut à fortiori refuser la déductibilité des frais de l’immeuble mis gracieusement à la disposition du dirigeant.
V. IMPLICATIONS JURIDIQUES ET FISCALE LORS DE L’EXTINCTION DU DROIT D’USUFRUIT
Lors de l’extinction du droit d’usufruit, le dirigeant d’entreprise, nu-propriétaire, recouvrera la pleine propriété de son immeuble et deviendra propriétaire par accession des constructions érigées par sa société sans être redevable du droit proportionnel d’enregistrement de 10/12,5%.
Il est de pratique courante que les dirigeants d’entreprise ne payent aucune indemnité en contrepartie des constructions dont ils deviennent propriétaires.
Aussi il nous a semblé important de circonscrire sous ce titre les obligations légales du nu-propriétaire à cet égard et corrélativement les implications fiscales y afférentes.
1. Principes d’indemnisation
Nous avons vu que l’usufruitier a le droit d’user et de jouir du bien, pourvu qu’il en respecte la destination.
Nous avons également mentionné que, dès lors que l’usufruit porte sur un terrain à bâtir, l’usufruitier respecte la destination de la chose lorsqu’il décide d’ériger des constructions sur celui-ci.
Il existe en matière d’usufruit une règle particulière édictée par l’article 599 du Code civil qui précise que l’usufruitier ne peut à la cessation, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il a faites, encore que la chose soumise à son droit en soit augmenté.
La Cour de Cassation et la majorité de la Doctrine considèrent que le terme amélioration ne peut être étendu à toutes les constructions qui respectent la substance de la chose et certainement pas à de nouveaux bâtiments dont la valeur dépasse largement le montant des revenus de l’usufruit.
Si ces bâtiments ne qualifient pas d’amélioration, c’est vers le droit commun qu’il convient de se tourner pour dégager les principes généraux en matière d’indemnisation de telles constructions, partant du postulat qu’à terme, le dirigeant d’entreprise entendra conserver le bâtiment construit par sa société.
A ce sujet, il existe deux positions quant au montant de l’indemnité à payer.
Les partisans de la première considèrent que l’article 555 du Code civil doit prévaloir et s’applique également au locataire ou à l’usufruitier .
L’article 555 du Code civil implique que soient distingués les travaux susceptibles d’enlèvement de ceux qui ne sont pas susceptibles d’enlèvement; de jurisprudence constante , la disposition précitée ne s’applique qu’aux premiers.
La Cour de Cassation dans l’un arrêt précité du 23 décembre 1943 précise que pour qu’un ouvrage soit susceptible d’enlèvement, il doit s’agir d’une chose dont l’existence comme telle se conçoit indépendamment de sa réunion à la chose principale. Inversement, précise-t-elle, il s’agit de travaux non susceptibles d’enlèvement lorsqu’il s’agit d’éléments d’ouvrages exécutés sur la chose principale et qui s’y trouvent désormais absorbés ou confondus.
Ainsi il est généralement admis que des constructions sur un terrain non bâti ou l’édification d’une annexe à un bâtiment existant, constituent des travaux susceptibles d’enlèvement.
Il en résulte que le nu-propriétaire qui décide de conserver les constructions érigées par l’usufruitier à l’expiration de son droit d’usufruit devra rembourser à l’usufruitier la valeur des matériaux et du prix de la main-d'oeuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir.
Cependant, la jurisprudence actuelle refuse de recourir à l’article 555 du Code civil pour régler le sort des constructions érigées par l’usufruitier ou le locataire et de son indemnisation pour lui préférer le principe général de l’enrichissement sans cause . Selon ce principe l’indemnisation est fixée à concurrence de la plus petite des deux sommes représentant l’appauvrissement du constructeur et la plus-value donnée à l’immeuble.
Force est cependant de constater que l’article 555 du Code civil n’est ni impératif, ni d’ordre public au même titre que le principe général de l’enrichissement sans cause auxquels les parties peuvent déroger. Il ressort de ce qui précède que d’un point de vue juridique, l’indemnisation est la règle, ce qui sous-tend indéniablement nous semble-t-il la logique économique.
2. Conséquences fiscales de l’absence de payement d’indemnités
En application de l’article 32, 2° CIR, l’administration fiscale pourrait taxer « l’avantage » dont retire le dirigeant d’entreprise qui obtient gratuitement par accession la propriété des constructions à l’expiration du droit d’usufruit.
Le Ministre des Finances avait précisé lors d’une réponse à une question parlementaire qu’il y présomption que tout avantage consenti par une société constitue une attribution imposable à un dirigeant d’entreprise, cette présomption pouvant être renversée en établissant que l’avantage ne trouve pas sa cause dans la fonction de dirigeant d’entreprise ou qu’il aurait pu être obtenu si aucune fonction de dirigeant d’entreprise n’avait été exercée.
En outre, l’article 36 CIR précise que les avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu’en espèce sont comptés pour leur valeur réelle. Nous sommes d’avis que cette valeur réelle doit correspondre à la valeur de marché de l’immeuble bâti à l’expiration de l’usufruit.
L’on constate à cet égard qu’il n’y a pas homogénéité entre le droit fiscal et le droit civil, ce dernier prévoyant comme nous l’avons vu ci-avant que l’indemnisation doit correspondre à la plus petite des deux sommes représentant l’appauvrissement du constructeur et la plus-value donnée à l’immeuble.
VI. CONCLUSION
L’opération par laquelle un dirigeant d’entreprise entend par le biais de la constitution d’un droit d’usufruit sur un terrain bâti ou à bâtir transférer les coûts liés à la construction et à l’entretien des immeubles à sa société peut comporter certains risques fiscaux. En effet, bien qu’elle nous semble critiquable, la décision récente du tribunal d’Anvers ne permet pas d’exclure tout danger.
C’est pourquoi, il y a lieu d’observer certaines règles de prudence afin de réduire le risque de requalification au maximum.
Tout d’abord, au moment de la constitution de l’usufruit, l’acte y relatif devra respecter la nature intrinsèque et les caractéristiques du droit réel qu’est le droit d’usufruit et ce afin d’éviter soit une requalification en contrat de bail soit que l’administration invoque la simulation.
Ensuite il est important que le dirigeant d’entreprise soit taxé à l’occasion de la mise à disposition gratuite afin d’assurer de la déductibilité des coûts dans le chef de la société.
Enfin, à l’expiration du droit d’usufruit, le dirigeant d’entreprise devra indemniser sa société à concurrence des constructions que celle-ci aura réalisées.
Il s’agit là, nous semble-t-il, de mesures de prudence mais au combien nécessaires afin de pouvoir habiter à moindre frais dans un immeuble qui tôt ou tard deviendra la propriété du dirigeant.
La Pricaf privée : un nouvel organisme de placement en faveur du capital à risque
Deloitte & Touche Quarterly, juillet 2003
Une loi récente instaure une nouvelle forme d'organisme de placement collectif en capital à risque, la Pricaf privée. Un arrêté royal est récemment venu compléter le dispositif régissant les aspects juridiques et fiscaux de la Pricaf privée. Cette loi, et cet arrêté royal ont pour principal objectif de compléter l'actuelle législation relative aux organismes de placement collectif en y insérant un organisme qui réponde aux besoins du marché des capitaux privés. Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'une série d'initiatives tendant à favoriser le développement d’une économie dynamique qui favorise l'innovation, la connaissance et l'initiative privée. En instaurant un cadre légal pour la Pricaf privée, le gouvernement a voulu mettre en place un véhicule commun d'investissement qui ne crée pas de charge fiscale. Ces nouvelles dispositions légales sont entrées en vigueur le 12 juin 2003. Dans les lignes qui suivent, nous vous proposons un aperçu du régime juridique et fiscal réservé à la Pricaf privée.
ASPECTS JURIDIQUES
DEFINITION
La Pricaf privée est définie comme un organisme de placement:
- qui recueille ses moyens financiers, en Belgique ou à l 'étranger , exclusivement auprès d'investisseurs privés agissant pour leur propre compte, dont les titres ne peuvent être acquis que par ces investisseurs ou par d'autres investisseurs dans les circonstances prévues par le Roi,
- dont le nombre de parts est fixe,
- qui revêt la forme statutaire,
- qui est constitué pour une durée déterminée, et
- dont l'objet exclusif est le placement clans des instruments financiers autorises émis par des sociétés non cotées.
FORME JURIDIQUE
La Pricaf privée doit être constituée sous la forme d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions ou d'une société en commandite simple. Les investisseurs étrangers qui préfèrent un traitement fiscal transparent clans leur pays d'origine préfèreront la société en commandite simple. Dans certains pays, la société en commandite simple beige est considérée comme une entité fiscalement transparente.
INVESTISSEURS
Seuls les investisseurs privés sont autorisés à placer des fonds dans une Pricaf privée. Par investisseurs privés, on entend:
- les personnes (belges ou étrangères ; personnes physiques ou personnes morales) qui s'engagent en leur propre compte à investir au moins 250.000 € en espèces ;
- la Pricaf privée elle-même ainsi que sa société de gestion.
D'autres catégories d'investisseurs sont autorisées s dans certaines limites, a acquérir des instruments financiers émis par une Pricaf privée. Ceci est notamment le cas pour les employés et cadres de la société de gestion qui acquièrent ces instruments dans le cadre d'un plan de participation des travailleurs ou d'un plan d'options sur actions. Les gestionnaires des fonds ont ainsi la possibilité de participer aux produits des investissements de la Pricaf privée.
80 % au moins des actions ou parts avec droit de vote de la Pricaf privée doivent être détenus par des «investisseurs privés» autres que la Pricaf privée elle-même et la société de gestion. Ces derniers doivent acquérir 4 % au moins et 16 % au plus des actions ou parts avec droit de vote. Les 20 % restants peuvent être acquis par des investisseurs prives sans restrictions (y compris donc la Pricaf elle-même et la société de gestion). Les investisseurs privés qui, en pratique, doivent être au moins au nombre de cinq, doivent être indépendants les uns des autres. Ils doivent certifier n'avoir aucun lien familial ni de parenté et ne pas être liés au sens de l'article II du Code des Sociétés.
Tous les instruments financiers émis par la Pricaf privée doivent rester nominatifs pendant la durée de la Pricaf.
POLITIQUE D'INVESTISSEMENT DE LA PRI CAF PRIVEE
L'objet social de la Pricaf privée doit être limité aux investissements en capital à risque, par exemple en actions de sociétés non cotées et obligations, qu'elles soient belges ou étrangères. Les investissements en d'autres instruments financiers, tels que actions cotées sont autorisés mais de manière très limitée.
De plus, la Pricaf privée ne peut pas acquérir une position de contrôle dans les sociétés dans lesquelles elle investit. Des exceptions limitées sont toutefois prévues.
GESTION DE LA PRICAF PRIVEE
La Pricaf privée doit être gérée par une société de gestion qui peut être une société belge ou une succursale belge d'une société étrangère.
Les services de gestion rendus par la société de gestion à la Pricaf privée sont exonérés de TVA. La Pricaf privée n'aura donc pas à supporter de TVA non déductible.
INSCRIPTION ET CONTROLE
Pour bénéficier du statut de Pricaf privée, la société doit demander son inscription sur la liste des Pricaf privées auprès du Service Public Fédéral Finances. En vue de
cette inscription, ses statuts doivent comporter une série de clauses particulières relatives à sa forme juridique, son objet, sa durée, ses activités, etc.
La Pricaf privée doit désigner un commissaire qui contrôlera et fera rapport sur ses activités et opérations.
PERTE DU STATUT DE PRICAF PRIVEE
La durée maximum d'une Pricaf privée est limitée à 12 ans, afin de garantir aux investisseurs une porte de sortie par le biais de la liquidation.
Par ailleurs, le SPF Finances radie la Pricaf privée de la liste des Pricafs privées a la demande de celle-ci ou de la
Commission Bancaire et Financière, ainsi que dans certains cas particuliers (non établissement de la déclaration fiscale, non-respect des dispositions statutaires...).
ASPECTS FISCAUX
BASE IMPOSABLE ET IMPOSI TION DES REVENUS DE LA PRICAF PRIVEE
BASE IMPOSABLE
La Pricaf privée est assujettie à l'impôt des sociétés, mais sa base imposable est limitée à la somme :
- des avantages anormaux ou bénévoles reçus ;
- des dépenses non admises (autres que les moins values et réductions de valeur sur actions) ;
- des indemnités pour coupon manquant clans le cadre d’opérations de prêts d'actions.
L'application de cette base imposable limitée est facultative et la Pricaf privée est libre de déterminer sa base imposable selon les règles ordinaires de l'impôt des sociétés pendant certaine(s ) année(s) sans que cela n'ait de conséquences immédiates pour les investisseurs.
La Pricaf privée est explicitement exclue de l'application des taux réduits de l'impôt des sociétés.
De plus, la Pricaf privée peut bénéficier de l'application des conventions préventives de la double imposition.
Une Pricaf privée ne peut pas être impliquée clans une opération de fusion ou de scission fiscalement neutre.
REVENUS FINANCIERS
Les revenus financiers autres que les dividendes attribués ou payés à une Pricaf privée sont exonérés de précompte mobilier belge.
Quant aux dividendes attribues ou payes a une Pricaf privée, ils sont soumis aux règles ordinaires de retenue à la source (application de la directive mère-filiale, des conventions préventives de la double imposition ...).
La Pricaf privée pourra imputer le précompte mobilier belge retenu sur les dividendes de source beige sur l' impôt des sociétés (s'i l y a impôt a acquitter), même si ces dividendes ne sont pas indus dans sa base imposable.
La Pricaf privée ne peut pas bénéficier du régime des revenus définitivement taxés ni de la quotité forfaitaire d'impôt étranger sur ses revenus de source étrangère. Dans la mesure où la charge fiscale effective de la Pricaf privée sera la plupart du temps proche de zéro, la non application du régime RDT et de la QFIE ne devrait pas avoir de conséquences négatives.
PLUS-VALUES SUR ACTIONS
Les plus-values sur actions que réalise une Pricaf privée sont exonérées, pour autant que les dividendes générés par ces actions soient susceptibles de bénéficier du régime des revenus définitivement taxes.
CONSEOUENCES DE LA PERTE DU STATUT DE PRICAF PRIVEE
La perte du statut de Pricaf privée en traine la taxation des réserves exonérées constituées sous le régime fiscal spécial, pour la période imposable pendant laquelle intervient la perte du statut.
REGIME FISCAL DES INVESTISSEURS
IMPOTS INDIRECTS
Les apports au capital d'une Pricaf privée sont soumis à un droit d'apport de 0,5 %.
PRECOMPTE MOBILLER SUR LES DISTRIBUTIONS DE DIVIDENDES AUX INVESTISSEURS
Les dividendes distribués par une Pricaf privée sont exonérés de précompte mobilier pour autant que leur distribution trouve son origine dans des plus- values sur participations réalisées par la Pricaf privée.
Les dividendes qui ne répondent pas à cette condition sont soumis au régime ordinaire de retenue à la source. Ils sont soumis au précompte mobilier au taux réduit de 15 %.
Les bonis de liquidation et de rachat d'actions propres distribués par une Pricaf privée ne sont pas soumis au précompte mobilier de 10 % en principe applicable.
DIVIDENDES PERCUS PAR DES INVESTISSEURS BELGES
Les dividendes perçus bénéficient du régime des revenus définitivement taxés pour autant qu'ils trouvent leur origine dans:
- des plus-values réalisées sur des actions dont !es revenus sont susceptibles de bénéficier du régime des revenus définitivement taxes ou sur des actions d'une autre Pricaf privée;
...- des dividendes générés par des actions dont les revenus sont susceptibles de bénéficier du régime des revenus définitivement taxes ou par des actions d’une autre Pricaf privée.
Le régime des revenus définitivement taxes est maintenu même lorsque la Pricaf privée perd son statut.
Pour l'investisseur beige personne physique, le précompte mobilier {éventuellement ) retenu à la source constitue l'impôt final.
PLUS-VALUES SUR ACTIONS REALISEES PAR LES INVESTISSEURS
Les plus-values réalisées sur les actions d'une Pricaf privée sont exonérées, dans la mesure où les revenus de ces actions sont susceptibles de bénéficier du régime des revenus définitivement taxés.
Cette condition est présumée remplie lorsque la Pricaf privée a investi tous ses biens en :
- actions dont les dividendes sont susceptibles de bénéficier du régime des revenus définitivement taxés; ou
- actions de Pricaf privées; ou
- investissements en espèces ou en titres de placement d'une durée maximum de 6 mois {certaines limitations sont toutefois prévues).
CONCLUSION
Conçue comme un instrument souple et temporaire, la Pricaf privée devrait ouvrir la voie au développement des investissements en capital à risque privé. Son régime fiscal avantageux présente également un attrait certain : une charge fiscale minimale, la possibilité pour la Pricaf privée de bénéficier des taux réduits de retenue à la source en application des conventions préventives de la double imposition , l’absence de TVA non déductible à supporter (puisque les services de la société de gestion sont exonérés de TVA), l’absence de précompte mobilier sur certains dividendes distribués et sur les bonis de liquidation et de rachat ne manqueront pas d'attirer l'attention des investisseurs belges et étrangers . L'objectif de neutralité fiscale poursuivi par le gouvernement et le législateur semble donc presque atteint, l'investissement par le biais d'un e Pricaf privée étant quasiment neutre quant à son impact fiscal. Les investisseurs étrangers accorderont une attention particulière à la forme juridique de la Pricaf privée, la transparence fiscale que perm et la société en commandite simple pouvant intéresser certains d'entre eux...
Payer sans réserve empêche de réclamer ensuite
l'Echo du 3 janvier 2001
Lorsqu'il a considéré que la valeur vénale déclarée ou le prix convenu était insuffisant, la première démarche du receveur de l'administration du cadastre, de l'enregistrement et des domaines consiste à envoyer aux intéressés un avis leur indiquant la va leur qu'il assigne aux biens et les invite à payer les sommes dues de ce chef,
(droits, amende et les intérêts s'il s'agit de droits de succession). Le contribuable peut contester cette valeur et présenter ses observations au receveur qui les examinera, réduira peut-être ses prétentions, voire les abandonnera. On peut aussi en arriver à la conclusion d'une transaction.
Si les redevables effectuent le paiement, la dette fiscale s'éteint (article 1234 du Code civil), puisque les redevables ont exécuté leur obligation. Le paiement signifie l'accord sur l'évaluation fixée par le receveur qui lie les redevables et l'administration, sauf circonstances particulières comme par exemple l'ignorance des prescriptions urbanistiques (Rec. gén. enr. not., 1968, n' 21114, p. 81).
La Cour d'appel de Liège, en date du 28 mars 2000, rappelle ces principes issus du droit des obligations. lin contribuable s'était vu notifier une insuffisance d'estimation suite à l'acquisition d'un immeuble. Il effectua le virement de la somme réclamée sans aucune rése1ve et contesta en suite l'estimation faite par le receveur. La Cour déclare la demande de l'appelant non fondée compte tenu du fait que «... l'appelant vira la onm1e réclamée sans formuler la moindre ré serve... qu'aucune faute n'est établie dans le chef de l'intimé dans la mesure où le calcul des droits... a été réalisé sur base des points de comparaison non contestés à l'époque... et que l'administration fiscale n'a pas manqué de "fair play" dans la mesure où elle n'était pas tenue de préciser la manière dont une réclamation devait être formée...» . Et ce à plus forte raison que l'appelant s'était renseigné auprès de son notaire en manière telle«... qu'il n'a pas été privé des in formations essentielles qui lui auraient permis de connaître la manière dont il pouvait contes ter la réclamation».
Si le paiement effectué par le redevable a pour seul but d'éviter l'aggravation des amendes ou de stopper le cours des intérêts moratoires, il est alors vivement conseillé d'accompagner le paiement d'une réserve si le redevable ne veut pas se priver du droit qu'il a de contester l'estimation faite par le receveur et, le cas échéant, de se soumettre à l'expertise de contrôle.
De l'importance de la preuve écrite du don manuel en droit civil et en droit fiscal
Recueil Général de l’Enregistrement et du Notariat, janvier 2001
CHAPITRE I : LE DON MANUEL - GÉNÉRALITES
Section 1 : Définition et éléments constitutifs du don manuel
A. Définition
B. Le don manuel est une libéralité
C. Le don manuel est un contrat
D. Le don manuel est une donation à part entière
Section 2 : Clauses accessoires au don manuel
CHAPITRE II : LA PREUVE DU DON MANUEL EN DROIT CIVIL
Section 1 : La charge de la preuve
Section 2 : La preuve par présomption et par écrit du don manuel
A. « En fait de meuble s possession vaut titre »
B. La preuve écrite et l'article 1341 du Code c ivil
Section 3 : Cas d'application
A. Action en restitution - Action en revendica tion
B. Action en réduction - Demande de rapport
Section 4 : La preuve de la date
A. Entre parties
B. À l' égard des tiers
CHAPITRE III : LA PREUVE DU DON MANUEL EN DROIT FISCAL
Section 1 : Principes généraux
A. La charge de la preuve en droit fiscal
B. L'administration fiscale est un tiers
Section 3 : Droits d'e nregistrement et don manuel
Section 4 : Les articles 7 et 108 du Code des droits de succession et le don manuel
CONCLUSION : idem est non esse aut non probari
Introduction
* * *
1. - La jurisprudence démontre que trop souvent les parties ne mesurent pas les conséquences fâcheuses qui peuvent découler du manque de précau tions devant entourer le contrat qu'elles concluent.
Péchant par excès de confiance ou de pudeur à l'occasion d'une opération heureuse souvent réalisée dans un contexte familial, ou par un manque d'in formation, les donataire et donateur omettent de se réserver la preuve de la convention qui les unit et, partant, négligent de prévenir les conflits latents qui pourraient intervenir entre eux, leurs héritiers et/ou avec l'administration fiscale.
En effet, il apparaît qu'une grande confusion règne dans l'esprit des par ticuliers dont certains semblent convaincus que le non assujettissement du don manuel est le résultat d'une tolérance administrative dont l'application est laissée à la libre appréciation des receveurs.
Cette confusion est souvent alimentée par certains praticiens qui, confron tés au don manuel, n ' appréhendent peut-être pas toutes les implications fis cales et civiles découlant des règles qui gouvernent la matière de la preuve.
Il nous a ainsi semblé indispensable de réconcilier, une fois encore , cer tains principes qui dominent la matière de la preuve en droit civil et en droit fiscal afin de répondre aux exigences de la pratique et de tenter de dissiper toute confusion en la matière.
CHAPITRE I : LE DON MANUEL - GÉNÉRALITÉS
Section 1 : Définition et éléments constitutifs du don manuel
A. Définition
2. - Le don manuel peut être défini comme« une libéralité qui se forme par un contrat non solennel dans lequel le disposant, appelé donateur se dé pouille immédiatement et irrévocablement par la remise d ' un bien meuble corporel ou d'un meuble incorporel pour lequel le droit s' inco rpore au titre au profit du gratifié, appelé donataire ».
B. Le don manuel est une libéralité
3. - Les éléments constitutifs d'une libéralité sont au nombre de trois. Deux d'ordre matériel: l'appauvrissement du donateur et corrélativement l'enrichissement du donataire sans contrepartie ou avec contrepartie par tielle(]). Un troisième, d'ordre psychologique: l'animus donandi (2). Ce dernier élément qui peut être défini comme tant l ' intention d 'enrichir le donataire , est certainement le plus délicat à établir.
C. Le don manuel est un contrat
a) Un contrat unilatéral
4. - La validité du don manuel, comme tout cont rat, est en outre subor donnée au respect du prescrit des artic le s 1108 et suivants du Code civil trai tant de la capacité, du consente me nt, de !'objet et de la cause (3).
Le don manuel est un contrat gé néralement unilatéral (4) dont la réalisa tion procède de manière nécessaire mais non suffisa nte d'un échange de con sentement des parties. L'acceptation - qu'elle soit expresse ou tacite - du donataire est une condition sine qua non de formatio n de la donation (5) qui, à défaut, n'est constitutive que d'une simple offre.
En outre, le don manuel est un con trat entre vifs ayant pour conséq uence que l'acceptation du donataire doit interve nir avant Je décès du donateur.
b) Un contrat réel
S. - De surcroît le don manuel, appartient à la ca tégo rie des cont rats réels, c'est-à-dire ceux qui ne se forment que re, par la remise de la chose et non par l'effet du seul conse nteme nt des parties, la convent ion de donner, ayant précédé celle-c i (6). Il éc happe ains i à la so lennité prescrite par l'a rti cle 931 du Code civil qui exige la passation d'un acte auth ent ique pour réa liser la donation.
L'objet du don manuel, sujet à tradition, ne peut consister qu'en des biens meubles corporels tels que définis à l'article 528 du Code civil (7), ou des meubles incorporels pour lesquels le droit s'incorpore au titre comme par exemple les bons de caisse, les titres au porteur, les c hèqu es au porteur.
A contrario , sont exclus, outre les immeubles, les meubles incorporels pour lesque ls les droits ne s'incorporent pas au titre tels que les titres nomi natifs, les livret s d'épargne, les portefeuilles d'assurances, les universalités de biens (1).
6. - La tradition est ainsi la pierre angulaire du don manuel sans laquelle celui-ci n'existe pas. La tradition consis te , dans sa forme originelle, en la remise, le transfert physique de la chose de la main à la main impliquant une appréhension et une possession matérielle du donataire (2).
Étant par essence dématérialisé et distinct de l'objet sur lequel il porte, l'exigence d'une tradition matérielle paraît s'opposer, comme le souligne
C. LAMBERT (3), à la possibilité de donner manuellement l' usu fruit ou la nue propriété d'un bien.
La tradition peut également s'effectuer Longa manu, c'est-à-dire par la mise à disposition du donataire de l'objet sans déplacement de celui-ci et ce, pour autant que le donateur s'interdise d'en disposer. Citons par exemple le cas de la remise des clefs d'un coffre avec renon donné par le donateur au contrat de location ou encore la remise des clefs d'un véhicule (4).
La tradition peut aussi se réaliser brevi manu, par interversion de titre. La donation s'opérera par une déclaration du donateur consacrant sa volonté de désormais «donner» à la personne (e.g. mandataire , dépositaire, emprun teur...) à qui la chose avait été remise au préalable à un a utre titre.
D. Le don manuel est une donation à part entière
7. - Par conséquent, le dépouillement du donateur doit être act ue l, c'est à-dire que le transfert du droit ne peut être différé (5). De surcroît, la tradi tion elle-même ne peut être différée et s'effectuer par exemple lors du décès du donateur. Ce qui s'oppose à ce que le don manuel puisse être affecté d'un terme ou d'une condition suspensive (1).
En outre, le don manuel à l'instar de toute donation est en principe irré vocable (2) conformément à l' artic le à l'article 894 du Code civil. Il en dé coule que la tradition doit être non seulement immédiate mais également définitive en telle sorte que si le donateur s'est réservé la possibilité de re prendre le bien ou d ' y avoir accès, le don n'est pas valable.
En revanche. rien ne s'oppose à ce qu ' un tiers soit mandaté par l'une, voire les deux parties , afin de réaliser la tradition (3).
Section 2 : Clauses accessoires au don manuel
8. - Souvent le donateur entendra circonscrire les effets du don manuel et en préciser les modalités.
Le donateur pourrait ainsi vouloir imposer une charge au donataire, pré ciser que la donation est effectuée en avancement d ' hoirie o u par préciput et hors part , prévoir une clause de retour conventionnel, une condition résolu toire (4) .. . De telles clauses peuvent être stipulées tant dan s l'intérêt du do nateur ou du donataire que d' un tiers (e.g. stipulation pour autrui).
Ces modalité s , qualifiées de pacte adjoint, constituent des clauses acces soire s au don manuel et sont vala ble s pour autant qu'elles ne soient pas en contradiction avec la nature même du don manuel.
CHAPITRE Il : LA PREUVE DU DON MANUEL EN DROIT CIVIL
Section 1 : La charge de la preuve
9. - Scion les articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, c'est à celui qui invoque un fait ou un acte de nature à renverser une apparence ou une situation établie qu'incombe la charge de la preuve (5). C'est à la partie qui entend tirer profit du don manuel qu ' e lle invoque à la ba se de sa préten tion d'é tablir l'existence de celui-ci. À défaut de preuve, ses prétentions seront vaines. Dès la preuve de cette prétention rapportée, il appartiendra à celui qui la conteste de tenter d'en apporter la preuve contraire s'il ne veut pas succomber.
Parmi les contestations les plus fréquentes qui s' élève nt en cette matière, on peut citer (1) :
- l'action en révocation et l'action en nullité du donateur ou de ses héri tiers ;
- l'action en réduction et la demande de rapport des hé r iti e rs du donateur ;
- l' action en restitution et en revendication du donateur ou de ses héritiers.
Section 2 : La preuve par présomption et par écrit du don manuel
A. « En fait de meubles possession vaut titre »
10. - Cette maxime, telle qu'elle découle de l'article 2279, alinéa 1 du Code civil a, faut-il le rappeler, deux significations en raison des deux fonc tions qu'elle est appelée à remplir: une fonction acquisitive (règle de fond) et une fonction probatoire (règle de preuve).
a) En fait de meubles possession vaut titre de propriété
11. - La fonction acq uisitive de) ' ar ti c le 2279, alinéa 1 du Code civi l est relative à la situation d ' une personne qui est en possession d ' un meuble qu'elle acquis de bonne foi d'une autre personne - a non domino - à qui le propriétaire l'avait confié.
Elle ne concerne pas l'hypothèse du transfert d'un meuble par convention entre le verus dominus (possesseur antérieur) et le possesseur actuel.
La possession constitue en ce sens un mode d' acquis ition de la propriété et partant, permet de faire obstacle à l'action en revendication intentée par le propriétaire initial qui s' est dépossédé volontairement (2) (3).
b) En fait de meubles possession vaut présomption de titre de propriété
12. - La fonction probatoire vise une toute autre situat ion ; celle d'un conflit entre le possesseur (4) antérieure (ou ses ayants cause) d'un meuble dont il prétend être resté propriétaire et le « possesseur » actuel qui invoque une possession véritable en qualité de propriétaire.
L'article 2279 du Code civil dans sa fonction probatoire permet au « possesseur » (1) actuel de bénéficier d'une présomption réfragable de titre de propriété, le dispensant de rapporter la preuve de la cause juridique sur la quelle il prétendrait fonder son droit de propriété.
La possession permet ainsi de présumer l'existence d'un titre de propriété avec pour conséquence que le possesseur excipant de sa possession obvie la difficulté inhérente à la charge de la preuve, qui pèsera désormais sur le de mandeur.
13. - La présomption de l'article 2279 du Code civil ne peut être invo quée efficacement que par celui dont la possession est utile, c'est à dire exempte de vices, présentant cumulativement les qualités énumérées à l'arti cle 2229 du Code civil (2). Il faudra , conformément à l'article 1315 du Code civil mais il suffira au demandeur d'établir que la possession n'est pas conti nue , paisible, publique ou non équivoque pour priver le possesseur du béné fice de la force probante qui s' attache à sa possession et renverser la charge de la preuve le contraignant à établir l'existence de son titre conformément au droit commun (cf. infra).
Cette présomption sera également renversées'il est établi que le prétendu possesseur n ' est en fait qu ' un simple détenteur ou encore que la possession a une origine frauduleuse (cf. infra).
B. La preuve écrite et l'article 1341 du Code civil
a) L' exigence d'un écrit
14. - La Cour d'Appel de Liège rappelle dans l ' e xposé des motifs de l ' arrê t rendu en date du 7 mars 2000 que« ..la preuve d' une donation ma nuelle doit se faire par écrit (article 1341 du Code civil)... » (3).
L'article 1341 du Code civil consacre en effet l' existence d'une obligation ad probationem entre parties, imposant la rédaction d'un écrit pour tout acte juridique ayant un objet dont la valeur est supérieure à 15.000 francs.
À défaut d'écrit, la preuve d' un tel acte juridique ne pourra être rapportée que par aveu ou serment ; la preuve par témoignage et/ou par présomption n' étant admissible que dans les conditions restrictives définies par les articles 13 47 (existence d'un commencement de preuve par écrit) et 13 48 (impossi bilité de se procurer un écrit) du Code civil (1).
En outre, rappelons que les tiers ne sont pas tenus au re s pec t de l'article 1341 du Code civ il. En d' autres termes, ils sont admis à prouver l' existe nce du don manuel par to ute s voies de droit.
b) L' interdiction de prouver par témoins contre et outre le contenu aux actes (2)
15. - La seco nde règle de l' article I 341 du Code civil contient une dou ble interdiction qui ne s' impose éga lement qu ' aux partie s à l ' ac te.
D' une part, le recours au tém oignage et à la préso mpti on n' est pas admis sible lorsqu ' il s ' agi t de prouver les omissio ns o u les ine xac titudes qui se se raient produites au moment de la rédaction de l' acte (<< prouver outre »).
D'autre part, pour apporter la preuve des modifica tions apportées à l' acte depuis sa rédactio n, il devra nécessa ire me nt être recouru à l 'écr it, à ! ' a ve u ou au serme nt ; les autres modes de preuve étant exclus(« prouver contre ») (3).
Ainsi, par exemple , s i le« donataire» se prévaut d' un éc rit signé par les parties constatant que tel bien lui a été do nné, le juge de vra écarter le témoi g nage que le « d o nateur » so uha iterait produire visa nt à étab lir q ue la re mis e du bien étai t jus ti fiée par une autre cause juridique (e.g. dépôt, prêt...). Tel sera également le cas si une partie conteste la réalité de la date du don ma nuel consacrée dans un écrit. Seuls , la preuve littérale, l 'ave u ou le se rment se ro nt admis.
Section 3 : Cas d'application (1)
A. Action en restitution (2) - Action en revendication
a) L'action en restitution
(i) L'action en annulation, en caducité ou en révocation de la donation mue par le donateur ou ses héritiers - L'action en exécution d'une obiigation au profit du donateur ou de ses hér itiers (e.g. droit de retour convention nel) (3).
16. - Il incombera au demande ur qui agit en restitutio n (4) d'apporter la preuve du don manuel et, le cas échéant, du pacte y adjoint, dès lor s que le
« donataire » se contente d'invoquer sa possession se retranchant derrière 1'article 2279 du Code civil. La preuve de la donation devra être administrée selon les règles du droit commun (i.e. par écrit, aveu ou serment si l'objet est supé rieur à 15.000 FB sauf en cas de commencement de preuve par écrit ou d'impossibilité de se procurer un écrit). Ne s'agissant pas d'un acte juridi que (5), la preuve de la cause de la nullité (6) ou de la révocation (7) pourra se faire par toutes voies de droit (8).
(ii) L' action en restitution fondée sur un contrat (dépôt, location, mandat, prêt...).
17. - Le scénario diffère du précédent en ce que le demandeur conteste l 'ex is tence d ' un don manuel.
Si le demandeur fonde son action sur une cause contractuelle de restitu tion, il lui appartiendra de rapporter, conformément aux règles précitées, la preuve de l'existence du contrat allégué. Une fois cette preuve rapportée, le prétendu donataire, demandeur sur exceptio n, s ' il ne veut pas être contraint de restituer le bie n, pourra à son tour établir qu ' il y a eu interve rsion de titre (article 2231 du Code civil) et prouver l' exis tence de la donation - en d'autres termes que sa détention est devenue une véritable possessio n - co nfo rméme nt aux articles 1341 du Code civil.
18. - L'on peut s'interroger sur les conséquences de l' aveu complexe du défendeur - eu égard à la situatio n du demandeur démuni d'écrit probatoire de la cause contractuelle de restitution qu ' il invoque - qui ne se contentant pas de se retrancher derrière la présomption dont il bénéficie sort de son mutisme et se prévaut de l'existence d'un don manuel. Selon la plupart des auteurs dont B. CAPELLE (1 ), un tel aveu (2) a pour conséquence que le de ma nde ur pourra se contenter de démo ntre r par toutes voies de droit l'invrai sem blance du don manuel (e.g. mé sinte lligence profonde et immémoriale entre le défendeur et le prétendu donateur) allégué sans avoir à établir une cause de restitution. Quoiqu'il en so it, gageons, que ce faisant, il favorisera indé nia blemen t la situation du demandeur qui pourrait établir une cause de rév oca tio n o u de nullité de la donation.
b) L'action réelle en revendication
19. - Le demandeur sera dans un premier temps amené à apporter la preuve de sa propriété (e.g. qu'il était antérieurement en possessio n du bien et ce, par to ute s voies de droit). Il en sera dispensé si le défendeur ne co n teste pas la possession antérieure du bien par le demandeur.
Le défendeur aya nt la maîtrise matérielle du bien bénéficie d'une triple présomptio n : 1) de po ssessio n régulière (article 2230 du Code civil), 2) de bonne foi et 3) de titre de propriété (artic le 2279 du Code civil).
Ce sont précisément ces présomptions que le demandeur devra renverser en établissant que le possesseur a à son égard une obligation de restitution et partant n'est que détenteur (cf. supra), que le possesseur est de mauvaise foi où encore, que la possession de ce dernier est affectée d'un vice.
Si le défendeur ayant perdu le bénéfice de la force probante de l'article 2279 du Code civil, invoque un don manuel, il devra en rapporter la preuve conformément aux dispositions 1341 et suivantes du Code civil.
B. Action en réduction - Demande de rapport
20. - Les héritiers agissant en vertu d'un droit qui leur est propre sont considérés comme des tiers à la convention à l'instar des créanciers. lis ne sont pas tenus au respect du prescrit de l ' artic le 1341 du Code civil en ma nière telle qu'ils pourront établir l'existence de la donation par toutes voies de droit.
Section 4 : La preuve de la date
A. Entre parties
21. - Entre parties l'importance de la preuve de la date est capita le lors que, par exemple, le donateur entend révoquer une donation qu'il prétend avoir faite à son conjoint pendant le mariage, invoquer la nullité de la dona tion alléguant qu ' à telle date il était incapable ou encore pour déterminer]'or dre des réductions (1).
La preuve de l ' invra ise mblance la date du don manuel consacrée dans un écrit probatoire, s'agissant de prouver« contre», doit être rapportée en res pectant le prescrit de l'alinéa 2 de l'article 1341 du Code civil (voyez supra) sauf à démontrer par toutes voies de droit qu'il y a eu fraude.
À défaut d'écrit probatoire ou lorsque la date du don manuel n'y est pas référencée et dans ce dernier cas, lor sq u' il est établi qu'il y a un décalage entre la date de I'instrumentum et du negotium, la date du don manuel pourra-t-elle être rapportée par toutes voies de droit? S'agit-il dans cette hypothèse de prouver« outre» le contenu de l'acte? En d'autres termes, la date, constitue-t-elle, comme le préconise Jurisprudence et Doctrine françai ses, une circonstance de l'acte ou, comme le considèrent certains auteurs, une indication conventionnelle (2). Gageons que l' existence ou l ' absence de la date d' une convention n'affecte pas l'essence même de la convention - quoiqu' elle puisse exercer une influence sur la validité du consentement donné par les parties (1) - et partant, que la date de l ' ac te n' est qu ' un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par toutes voies de droit.
C. Par et à l'égard des tiers
22. - Les tiers ne sont pas tenus au respect de l'article 1341 du Code civil. Le créancier du donateur ou le cu rateur agissant au nom de la ma sse pourra a pporter la preuve de la date du don manuel par toutes voies de droit.
En outre , l' article 1328 du Code civil porte que la date d' un acte à l'égard des tiers ne fait foi qu ' à partir du moment où elle est devenue certai ne. En d ' autre s terme s, la date du don manuel contenue dans l'instrumentum le constatant, pou rra être rejetée par le tiers tant qu'elle n ' a pas acquis la carac tère certain exigé par la dispo sit io n précédente.
Les événements qui rendent op posable aux tiers (2) la date d ' un don ma nuel sont limitat ivement énoncés par la disposition précitée.
Il s'agit:
- de l'enregistrement (3),
- du décès de l'une des personnes qui a sousc rit l' acte (4),
- de la relation de la sub stance de l'acte dans un ac te authentique (5).
CHAPITRE III : LA PREUVE DU DON MANUEL EN DROIT FISCAL
Section 1 : Principes généraux
23. - La Cour de cassa tion ne manque pas une occas io n de rappeler que
« les principes du droit c ivil dominent le droit fisc al tant que ce de rnier n ' y a pas dérogé et sont applicables en matière d' enregis trem ent même dans le cas où ils se fondent sur une fiction du droit civil » (6).
A. La charge de la preuve en droit fiscal
24. - En matière fiscale, il n'est pas dérogé à l'adage Actori incumbit probatio.
Conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 du Code judi ciaire(!), c'est à l' adminis tr at io n d'apporter la preuve des cond it io ns de débition de l' impôt.
Il existe des tempéraments à ce principe telles la taxation indiciaire de l'article 341 du CIR et les présomptions légales dont l'article 108 du Code des droits de succession qui sans renverser la charge de la preuve facilitent la preuve incombant à l'Administration.
B. L'administration fiscale est un tiers
25. - Du principe de la relativité des conventions tel qu'il découle de l'article 1165 du Code civil, il ressort que les droits et obligations issus du don manuel n' o nt d'effet qu'entre parties (effets internes). En revanche l'existence de la donation et la conséquence qu'elle a sur le patrimoine des parties est opposable aux tiers (effet externe) dès la formation du contrat et ce, sans aucune forme de publicité. Encore faut-il que les parties soient en mesure d' apporter la preuve de l'existence du don manuel et de sa date.
L'administration fiscale est un tiers relativement à la convention conclue par les parties.
En cette qualité, l'administration fiscale, n'étant pas tenue au respect de l'article 1341 du Code civil, il lui est loisible d'apporter la preuve de la do nation par toutes voies de droit et de contester par présomption et témoignage l'existence et la date du don manuel dont la preuve est rapportée par écrit (2).
26. - L'administration fiscale n'est cependant pas un tiers comme les autres, elle doit se fonder sur des réalités. Elle ne peut ainsi se prévaloir de l'article 1328 du Code civil et rejeter la preuve de la date d'un don manuel au motif que celle-ci n'est pas certaine (3).
Section 2 : L'article 341 du Code de l'impôt sur les revenus
27. - L' article 341 du C.I.R. stipule que « sauf preuve contraire, l 'éva luation de la base imposable peut être faite, pour les personnes morales comme les personnes physiques d ' après les signes ou ind ices d'où il résulte une aisance supér ieu re à celle qu'attestent les revenus déclarés ».
Selon la cour de cassation, l'article 341 du C.I.R. institue une présomp tion iuris tantum quant à l ' o r igine des so mmes co nsac rées à des dépenses ou investissements, celles-ci éta nt présumées provenir de revenu s impo sa bles et réalisées pendant la période imposable (1).
Le co ntribua ble souha itant re nve rse r cette présomption devra prouver par des « éléments positifs concl uan ts e t contrô la bles » (2) que!'aisance provient d ' aut res resso urce s que des revenus imposables (3).
28. - Relativement au don manuel qui compte parmi le s actes les plus co ura mme nt invoq ués par le co nt ribua ble, le juge du fond n 'e xige ni la preuve écrite de la donatio n, ni la preuve écrite du tra nsfe rt matériel des fonds (e.g. reçu, do c ume nt bancaire) lorsqu' elle es t int e rve nue entre mem bres d ' une même famille et tient compte des circo ns tances de fait (e.g. la capacité financière du prétendu donateur) (4).
De surcroît, la preuve écrite est parfois co nsidérée comme sus pecte par les juges du fond qui se méfient des attestations de compla is ance. C'est ains i q u' il résulte d' un arrêt de la Cour d ' appel de Gand (5) « qu'il semble normal qu'un père n' exige pas de reçu de son fils lo r s q u ' il lui fait un don manue l ; le co ntraire ferait supp ose r une co mbinaiso n mise sur pied par le s intéressés ».
Si le donataire renversera la présomption que les dépe nses qu'il a effec tuées ne proviennent pas de revenus imp osa ble s, en apportant la preuve , par toutes voies de droit, de la donation et de sa date ; gageons que sa tâc he se ra grandement facilitée par la rédactio n, in tempore non suspecto, d'un écrit lui permettant de diss ip er toute incertitude rel ative à l' o rig ine des fo nds et d 'é vi ter les difficultés inhérentes à l' établiss e me nt a posteriori d e la preuve de la donation en cas de prédé cès du d o nate ur.
Section 3: Droits d'enregistrement et don manuel
29. - Le don manuel ne figure pas parmi les écrits et les conventions non écrites obligatoiremen t enregistrables visés par les articles 19 et 31 du Code des droits d'enregistrement, en manière telle que la perception du droit de donation ne procède que de la volonté des parties qui présentent à l'enregis trement un acte faisant titre de la donation et ce, que ce soit directement ou par le biais d'un acte obligatoirement enregis trable ( 1) (2).
L' élément volontariste est déterminant. La connaissance par I'Administra tio n d' un don manuel constaté par écrit et signé par le s deux parties ne lui permet pas de réclamer le droit de donation. L'administration, dans sa décision du 13 décembre 19 96 (3), s'est prononcée en ce sens à propos de la mention d'une reconnaissance , dans la déclaration de succession de la défunte , d'un don manuel - et de la production subséquente d' un écrit signé par les deux parties consacrant son existence - consenti antérieurement par la défunte à son fils. Ces considérations sont applicables mutatis mutand is dans l'hypothèse où l' administration a connaissance d' un écrit faisant titre d ' une donation à l ' occasion de l' ouverture d'un coffre bancaire loué par le défunt au motif qu'il n' est pas - volontairement - présenté à l'enregistrement.
30. - En date du 29 juin 1989, la Cour de cassation (4) rejetant le pour voi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxe lles du 23 se pte m bre I 986 (5), a consacré une pratique récurrente de l ' administrat io n (6).
La Cour de cassation a considéré, en l'espèce, que l' éno nc iat io n par le donataire d'un don manuel dans un acte notarié, ho rs la présence du dona teur, permettait de présume r l' intenti o n du donataire d'établir, au profit du donateur, un titre de la donation compte tenu que « ladite énonciation est sans rapport direct avec la disposition principale (en l'occurrence il s'agissait d'une vente) et ne s'explique que par la volonté de constituer un titre».
En d'autres termes, l'Administration est admise à considérer que la re connaissance du don manuel par le donataire fait « titre » de la donation - et percevoir les droits proportionnels - au motif que le donataire, bénéficiant d'un titre de propriété découlant de l'article 2279 du Code civil n'a pu avoir d'autre intention que celle de procurer au donateur une preuve de la conven tion en faisant « établir un acte destiné à créer un titre au profit du dona teur»(!).
31. - Cette volonté ne peut être présumée lorsque « cette énonciation unilatérale s'explique par l'intérêt d'indiquer la provenance des deniers ayant servi à payer le prix» (2); lorsque, par exemple, elle peut s'expliquer par la nécessité d'une déclaration expresse de remplo i imm obil ier (3).
32. - Cet arrêt suscite, nous semble-t-il, deux observations.
La première a trait à la notion même d'acte faisant titre . M. DONNAY, dé finit l' acte faisant titre comme étant« l'acte pouvant être considéré comme constituant la preuve littérale au sens donné à ces mots par le Code ci vil» (4). S'agissant d'une reconnaissance unilatérale, émanant du donataire, d'un contrat unilatéral dont les obligations pèsent sur les épaules du donateur, il nous semble difficilement défendable qu'une telle reconnaissance puisse constituer la preuve littérale de la donation intervenue et de surcroît, que le donataire eut l'intention de fournir pareille preuve au donateur. « On peut se demander quelle valeur attribuer à une telle déclaration le jour où elle sera produite en justice par l'adversaire de son signataire. Faut-il y voir un vérita ble acte sous seing privé de nature à faire la preuve complète du don manuel, ou bien un simple commencement de preuve par écrit, à défaut de la signa ture de l'une des parties contractantes?» (5). B. CAPELLE, considère qu'à condition que le donateur soit en possession de la déclaration du donataire , cette dernière aurait valeur d'acte sous seing privé. À défaut, elle n'aurait valeur que de commencement de preuve par écrit (6).
La deuxième observation rejoint notamment l'avis de M. MUNO (1) qui précise qu’il est des situations où le donataire doit se constituer un titre s' il ne veut pas succomber et notamment lorsqu'il ne bénéfice pas de la protection l'article 2279 du Code civil (voyez supra). Nous pensons qu'en l'espèce la Cour de cassation a omis de prendre en considération que l'objet de la donation invoquée était une somme d'argent - a priori non individualisée - avec la conséquence que le possesseur n'était pas en mesure de bénéficier de l'article 2279 du Code civil.
33. - En l'état actuel des choses, cependant, les droits de donation seront exigibles lorsque l'acte est présenté à l'administration par les deux parties ou par le donataire seulement. En revanche , seul le droit fixe général (1.000 FB) sera dû lorsque la reconnaissance de la do natio n émane du seul donateur (2).
Section 4 : Les articles 7 et 108 du Code des droits de succession et le don manuel
34. - Le don manuel est un instrument incontournable de planification successorale. Par le biais de donations successives faites à ses ayants droit, le défunt diminue la progressivité de l'impôt successoral.
35. - Le législateur fiscal a progressivement apporté plusieurs bémols à cette pratique en édictant principalement deux articles ayant trait au don manuel.
L'article 7 qui à la lecture des travaux parlementaires de la loi du 11 octobre 1919 vise principalement les dons manuels, contient deux règles (3). La première prévoit que les biens dont le défunt a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès par des libéralités qui n'ont pas été assujetties au droit d ' enregistre ment établi pour les donations, sont considérés comme faisant partie de la succession du défunt (al. 1cr). La seconde règle de l' article 7 permet, dans l'hypothèse où l 'administration, les héritiers ou légataires démontrent qu'une personne déterminée a effectivement bénéficié des libéralités consenties par le défunt dans les trois ans précédant son décès, de considérer ce bénéficiaire comme légataire du de cujus (al. 2) (4).
La principale difficulté que rencontre l'Administration dans l'application de cet article réside dans la charge de la preuve de l'existence de la donation manuelle et de sa date lui incombant.
36. - L'administration fiscale contourne cette difficulté en recourant à une autre disposition, l'article 108 du Code des droits de succession. Cet ar ticle lui permet d'inverser d'une certaine manière, en sa faveur, la dynamique de la charge de la preuve en instituant une présomption réfraguable de pro priété dans le chef du défunt.
Tout acte, e.g. bordereau d'achat de titre, facture, extrait de compte, acte de vente, reconnaissance de dette (1) ... passé par le défunt à son profit ou à sa demande ou tout acte passé par un tiers au profit du défunt établissant qu'à un moment donné le défunt était propriétaire d'un bien permet à l'administration de présumer que ce bien est toujours la propriété du défunt au moment de son décès.
À l'égard des biens meubles auxquels s'appliquent l 'article 2279 du Code civil (voyez supra), la présomption ne s'applique que pour les actes qui ne remontent pas à plus de trois avant le décès. Pour les actes remontant à plus de trois ans ayant pour objet des biens meubles auxquels s'appliquent l'article précité, l' administration ne pourra les utiliser que comme simple élément de preuve conformément à l'article 105 du Code des droits de succession (2).
En revanche, pour les biens auxquels l'article 2279 du Code civil ne s'applique pas, tels les billets de banque, l ' administratio n est droit d' invoquer l'article 108 § 1 précité lorsqu'elle aura établi l'existence d'un acte de propriété et ce, que la date de cet acte remonte à moins de trois ou pas.
37. - La preuve du don manuel et de sa date revêt ici une importance dans plusieurs hypothèses.
La première a trait à la situation dans laquelle se trouve un héritier lors que l' Ad ministration a démontré par le biais d'actes remontant à moins de trois avant le décès du défunt que celui-ci était propriétaire de tel bien précé demment son décès et que ledit héritier entend établir qu' est intervenu un don manuel au profit d'un tiers bénéficiaire (3). Ce faisant, il évitera une imposition conséquente relativement à un bien qu'il n'a pas recueilli.
Lorsque l'administration présume par le biais d ' actes remontant à plus de trois avant le décès du défunt, qu'un bien , auquel l'article 2279 du Code civil ne s'applique pas, se trouve dans sa succession, il suffira aux héritiers d'apporter la preuve que ce bien a fait l'objet d'un don manuel plus de trois ans avant le décès du donateur.
Une autre hypothèse se rapporte à la situation dans laquelle se trouve l'héritier à l'égard duquel l'administration - sans avoir établi que l’acte de propriété (1) passé par le défunt était intervenu dans les trois années précédant son décès - avance des faits précis et concordants tendant à démontrer que le défunt était toujours propriétaire du bien au moment de son décès (2).
38. - Dans ces hypothèses, l'héritier sera amené à faire la preuve du don manuel et de sa date conformément aux règles étudiées précédemment, étant entendu que l'administration fiscale est un tiers à la convention invoquée.
À !'instar de la matière des droits d'enregistrement « on peut supposer que l'administration appliquera en matière de droits de succession la même tolérance que celle qui existe en matière de droits de droit d'enregistrement, c'est à dire d'autoriser les successeurs à faire la preuve de la sincérité de la date du don manuel » sans exiger qu’elle ait un caractère certain conformé ment à l' article 1328 du Code civil (3).
Gageons, que la preuve par écrit du don manuel et de sa date permettra d'éviter toute contestation.
CONCLUSI ON : idem est non esse aut non probari (4)
39. - Nous pensons avoir démontré à suffisance !' importance, voire la quasi-nécessité, que revêt la preuve écrite du don manuel et de sa date en droit civil. L'absence d'une telle preuve, en cas de contestation, aura pour conséquence - sauf application des articles 1347 et 1348 du Code civil - que la partie qui a la charge de la preuve du don manuel se trouvera dans l' impossibilité d'établir l'existence de la convention sur laquelle elle fonde sa prétention.
Les praticiens ne peuvent ignorer les implications inhérentes à la matière de la preuve sans négliger la sécurité juridique de l'opération à propos de laquelle ils sont consultés.
Nous avons également démontré que la preuve écrite du don manuel n'est pas dépourvue d'intérêt en droit fiscal - qui peut le plus peut le moins et qu'elle n'engendre la perception des droits d'enregistrement que lorsque l'écrit probatoire de la donation est volontairement présenté à !'enregistre ment par les parties ou par le donataire.
Cet intérêt se trouve également conforté par la position occupée par la preuve écrite dans la hiérarchie des modes de preuve et la valeur attachée à la preuve écrite préconstituée, établie in tempore non suspecta, par les juri dictions.
En outre, l'acte sous seing privé constatant le don manuel devra impérativement faire apparaître qu'i1 constate un don manuel déjà réalisé par une tradition antérieure ou même concomitante. À défaut, il pourrait être considéré comme nul pour violation de l'article 931 du Code civil (cf. supra) ( 1).
40. - Quant à l'opposabilité aux tiers de la date du don manuel, ce point représente, nous semble-t-il, un intérêt pratique marginal depuis que l'administration a renoncé à se prévaloir de l'article 1328 du Code civil. Cependant, le recours à l'acte authentique reçu par un notaire étranger (2) (c.g. hollandais, luxembourgeois, suisse (cf canton de Luzern et Schwyz)) portant donation ou constatant un don antérieur, permettra de rencontrer cette exigence.
« La preuve écrite du don manuel et l'article 1341 du Code civil »
La Cour d'appel de Liège rappelle dans l’'exposé des motifs de l'arrêt rendu en date du 7 mars dernier que « ... la preuve d'une donation manuelle doit se faire par écrit....»
Publié dans l'Echo, 5 septembre 2000
La Cour d'appel de Liège rappelle dans l’'exposé des motifs de l'arrêt rendu en date du 7 mars dernier que « ... la preuve d'une donation manuelle doit se faire par écrit....». En effet, l'article 1341 du Code civil consacre l'existence, entre parties, d'une obligation ad probationem - dont le non-respect n'entraine pas la nullité de l'acte - imposant la rédaction d'un écrit pour tout acte juridique ayant un objet dont la valeur est supérieure à 15.000 francs.
A défaut d'écrit, la preuve d'un tel acte juridique ne pourra être rapportée que par aveu ou serment; la preuve par témoignage et/ou par présomption n'étant admissible que dans les circonstances restrictives définies par les articles 13-17 (existence d'un commencement de preuve par écrit) et 1348 (impossibilité de se procurer un écrit).
I. En d'autres termes, lorsque le donateur ou ses héritiers agissant en qualité d'ayants droit en tendent apporter la preuve du don manuel ou en contestent l'existence (arguant d'une convention de prêt ou de dépôt), ils sont tenus de le faire par écrit. II en va de même pour le donataire possesseur, lorsqu'il est établi que les conditions de l'article 2229 du Code civil ne sont pas respectées ou lorsqu'il justifie sa propriété en invoquant l'existence d'un don manuel.
Les tiers (tels les créanciers, l'administration fiscale...) ne sont pas tenus au respect de l'article 1341 du Code civil. Ils sont admis à prouver l'existence du don manuel par toutes voies de droit.
2. La seconde règle de l'article 1341 du Code civil contient une double interdiction qui ne s'impose également qu'aux parties à l'acte. D'une part, le recours au témoignage et a la présomption n'est pas admissible lorsqu'il s’agit de prouver les omissions ou les inexactitudes qui se seraient produites au moment de la rédaction de l’acte (« prouver outre »). D’autre part, pour apporter la preuve des modifications apportées à l’acte depuis sa rédaction, il devra nécessairement être recouru à l’écrit, à l’aveu ou au serment ; les autres modes de preuve étant exclus (‘prouver contre »).
Si le donataire prenant l’initiative des débats se prévaut d’un écrit signé par les parties constatant que tel bien lui a été donné, le juge devra écarter le témoignage que le donateur souhaiterait produire visant à établir que la remise du bien était justifiée par une autre cause juridique. Aussi, si une partie conteste la date du don manuel consacrée dans un écrit, seuls, la preuve littérale, l’aveu et le serment seront admis.