Van Elder & Associates
Avocats, Attorneys at law, Advocaten

Orateur à la conférence donnée à la Commission européenne le 2 mars 2018

sur "La double imposition en droit de succession, l'absence de convention signée par la Belgique, les moyens de l'éviter et le principe fondamental du choix de la voie la moins imposée".

CHAPITRE I : En droit de succession, le résident est taxé sur son patrimoine mondial. Le non-résident est taxé sur ses immeubles.
Section 1 : L’habitant du Royaume.
L’habitant du Royaume est celui qui a son domicile ou le siège de sa fortune en Belgique (Article 1 des Codes des droits de succession, ci-après CS).
Arrêt Derks.
Section 2 : Taxation du patrimoine mondial du résident – Une taxation limitée aux immeubles s’agissant du non-résident.
Le Protocole (n°7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne prévoit en son article 13 que pour l’application de différents impôts (dont les droits de succession), les fonctionnaires et autres agents de l’Union qui, en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service de l’Union, établissent leur résidence sur le territoire d’un pays membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possèdent au moment de leur entrée au service de l’Union, sont considérés, tant dans le pays de leur résidence que dans le pays du domicile fiscal, comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays si celui-ci est un membre de l’Union.
Cette disposition s'applique également au conjoint dans la mesure où celui-ci n'exerce pas d'activité́ professionnelle propre ainsi qu'aux enfants à charge et sous la garde des personnes visées au présent article.
Il ressort donc de cet article que le fonctionnaire sera considéré comme non-résident belge dans l’hypothèse où celui-ci avait établi précédemment sa résidence dans un autre pays de l’Union et séjourne en Belgique uniquement en raison de l’exercice de ses fonctions au service de l’Union. De surcroit, il bénéficie d’une exonération des droits de succession de l’état du lieu de situation des meubles sur lesquels ils se trouvent durant son séjour.
Si en revanche, une personne établit sa résidence dans un autre pays de l’Union pour une autre raison, il sera alors considéré comme un résident dans son nouvel Etat de résidence, avec les risques de double imposition que cela comporte en fonction du critère d’imposition retenu dans son pays d’origine (cfr infra).
Il faut donc distinguer deux catégories de fonctionnaires : le résident (2.1) et le non-résident (2.2). Le pensionné ayant conservé on domicile et le siège de sa fortune en Belgique est résident.

2.1 Taxation du patrimoine mondial du résident
L’assiette des droits de succession est particulièrement étendue puisqu’il est établi un droit de succession sur la valeur, déduction faite des dettes, de tout ce qui est recueilli dans la succession d’un habitant du royaume (Articles 1 des CS et 2.7.3.1.1 du code de la fiscalité flamande ci- après C.F.F.)
Tous les biens, en quelque lieu qu’ils se trouvent composent la base imposable d’un défunt résident belge.
Dans le cadre de cet exposé, l’accent est volontairement mis sur les avoirs étrangers du défunt.
2.1.1. La notion de biens étrangers et leur valorisation.
On entend notamment par biens, les comptes étrangers, les valeurs mobilières étrangères : actions, obligations, liquidités, parts de fonds étrangers..., les immeubles....
Ces biens doivent être évalués à leur valeur vénale au jour du décès.
La valeur vénale correspond à la valeur normale, en ce sens qu’elle représente ce que la chose peut valoir pour la généralité des amateurs, abstraction faite des éléments purement subjectifs, c’est-à-dire, de la valeur de convenance ou de la valeur affective.
Recours possible à l’expertise préalable (Articles 20, 113 à 120, et 122 CS et article 3.3.1.0.9 C.F.F).
Pour les titres cotés, c’est la valeur de cotation la plus proche du décès, qu’il importe de considérer, celle du mois suivant, ou celle du mois d’après, au choix (article 21 IIICS).
Extension des délais suite à la faillite de Lehman Brothers jusqu’au cinquième mois suivant le décès.
Les plus-values (les accroissements de valeur) sont imposées aux droits de succession.
La grande majorité des constructions juridiques visées par la taxe caïman sont taxables en droits de succession.
Les parts d’une SPF luxembourgeoise, d’une société singapourienne, les titres d’une BVI sont taxables.

Les titres sont imposables sur base des mêmes critères, à savoir leur valeur vénale.
Les secondes résidences situées à l’étranger (Espagne, Maroc, France, Suisse...), sont imposables aux droits de succession.
Pour ces immeubles étrangers, les critères de valorisation de la valeur vénale sont définis à l’article 21 1° CS.
Pour ces immeubles, si la valeur vénale ne résulte pas d’actes et documents, elle est déterminée par vingt ou trente fois le produit annuel des biens ou le prix des baux courants, sans distraction des charges imposées au locataire ou au fermier, suivant qu’il s’agit de propriétés bâties ou de propriétés non bâties ; en aucun cas, la valeur imposable ne peut être inférieure à celle qui a servi de base pour la perception de l’impôt à l’étranger.
Première observation : pas d’expertise préalable pour les actifs en dehors du Royaume.
Seconde observation : les critères de valorisation diffèrent pour les immeubles étrangers.
Ne serait-ce pas contraire au droit européen ?
Une telle différence de traitement n’a-t-elle pas pour effet de dissuader les résidents belges de faire des investissements immobiliers dans des États membres autres que la Belgique, ce qui est de nature à entraîner une restriction prohibée à la libre circulation des capitaux ?
Les titres d’une société holding (belges ou étrangères) ou les titres d’une société détenant un établissement stable à l’étranger sont évidemment imposables.
Les filiales étrangères d’une société détenue par le défunt sont imposées dès lors que les participations y afférentes sont valorisées dans la holding.
Les oeuvres d’arts. Leur valeur est appréciée par référence au prix obtenu dans les salles de vente.
Il existe régulièrement un décalage entre la valeur déclarée et l’adjudication obtenue lors de ventes publiques réalisés à Paris, à Londres (cfr infra).
Il en va de même des voitures de collection, de bateaux ou yachts révélés récemment par les Malta papers et paradise papers.

2.1.2 Extension de la notion de patrimoine : les fictions.
Outre les exemples précités, les codes des droits de successions et le C.F.F. élargissent le patrimoine imposable à d’autres opérations qu’ils assimilent à des legs imposables.
Parmi celles-ci figurent notamment les articles 7 et 8 du CS. D’autres fictions sont contenues aux articles 4 3° bruxellois qui définit ce qu’il faut entendre par résident de la Région de Bruxelles-Capitale, 5, 9 et 10 CS ainsi que dans le C.F.F.
Les donations de valeurs belges et étrangères réalisées de manière informelle (donations indirectes, dons manuels) les donations passées à l’étranger (en Hollande, en Suisse dans certains cantons ou encore en Italie) dès lors qu’elles n’ont pas été enregistrées en Belgique et qu’elles sont intervenues dans les trois ans du décès du donateur sont assimilées à des legs.
L’article 7 CS précise en effet que les biens dont l’administration établit que le défunt a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n’a pas été assujettie au droit d’enregistrement établi pour les donations, sauf le recours des héritiers ou légataires contre le donataire pour les droits de succession acquittés à raison desdits biens.
S’il est établi par l’Administration ou par les héritiers et légataires que la libéralité a été faite à telle personne déterminée, celle-ci est réputée légataire de la chose donnée.
S’agissant des donations non notariées, la preuve de la donation, de ses éléments constitutifs (Intention libérale, acceptation, virement, remise, inscription au registre...) de ses modalités et de sa date revêt une importance essentielle.
La rédaction d’un pacte adjoint à des fins probatoires est recommandée.
Les capitaux versés à un tiers dans le cadre de la liquidation de contrat d’assurance souscrit à l’étranger contenant une clause décès sont imposables aux termes de l’article 8 du CS.
Il existe certaines exceptions dont notamment les capitaux liquidés en faveur du conjoint dans le cadre d’une assurance-groupe.
1° Les capitaux ou rentes doivent être constitués en exécution d’un contrat d’assurance de groupe.
2° Le contrat doit être souscrit en vertu d’un règlement obligatoire de l’entreprise.
3° Le contrat doit répondre aux conditions déterminées par la réglementation relative au contrôle des contrats. Importance de la rédaction des contrats.
2.2 Taxation limitée aux immeubles pour les non-résidents
En vertu de l’article 13 du Protocole, les fonctionnaires ayant établi leur résidence sur le territoire d’un pays de l’Union en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service de l’Union sont donc considérés comme ayant conservé leur domicile dans leur pays d’origine.
Cette disposition s’applique également au conjoint dans la mesure où celui-ci n’exerce pas d’activité professionnelle propre ainsi qu’aux enfants à charge et sous la garde des personnes visées ci-avant.
Il est prévu que les meubles appartenant à ces personnes et situés sur le territoire de l’Etat de séjour sont exonérés de l’impôt sur les successions dans cet Etat.
En revanche, la législation applicable aux immeubles est celle du lieu où ils sont situés. Ainsi en vertu de l’article 18 du CS, des droits seront dus en Belgique pour les immeubles situés en Belgique dont le défunt (résident étranger) est propriétaire, et cela quelle que soit sa nationalité ou sa résidence.
2.3 Le fonctionnaire pensionné
Les fonctionnaires retraités ne peuvent plus invoquer le bénéfice de l’article 13 du Protocole. Leur succession s’ouvrira, en principe, au lieu de leur résidence ou de leur domicile au jour de leur décès.

CHAPITRE II. Les causes des impositions multiples : absence d’harmonisation fiscale - multiplicité des facteurs de rattachement
Section 1 : Rareté des conventions internationales.
Si en droit civil il y a une volonté aboutie et un instrument d’harmonisation, en droit fiscal force est de constater qu’il n’en n’est rien.
Il existe pourtant une convention modèle émanant de l’O.C.D.E. en matière d’imposition successorale. Seules, deux conventions ont été signées à ce jour par la Belgique : la première avec la Suède le 18 janvier 1956, la seconde avec la France le 20 janvier 1959.
Un projet avec les US n’a pas abouti.
La convention belgo-française contient des règles visant à résoudre les conflits de résidence « tie-breaker rules » :
* 1er critère : domicile = foyer permanent d’habitation=lieu de situation des intérêts vitaux,
* 2eme critère : la durée du séjour,
* 3ème critère : la nationalité.
Elle accorde le pouvoir d’imposition au pays de résidence du défunt sauf pour les immeubles et les biens meubles corporels qui sont imposables dans le pays de situation des actifs.
Cette convention permet une réserve de progressivité et une imputation des droits étrangers.
L’article 10 de la convention prévoit que nonobstant les dispositions des articles qui précèdent :
a) Chaque Etat conserve le droit de calculer l'impôt sur les biens qui sont réservés à son imposition d'après le taux moyen qui serait applicable s'il était tenu compte de l'ensemble des biens que sa législation interne lui permettrait d'imposer ;
b) L’Etat où le défunt avait son domicile au moment de son décès peut, conformément à sa législation interne, imposer également les biens situé s dans l'autre Etat énumérés aux articles 4 à 7. Dans ce cas, il impute sur son impôt, dans la mesure où celui-ci frappe lesdits biens, le montant de l'impôt perçu dans l'autre Etat du chef des mêmes biens.

Section 2 : critères d’imposition multiple.
Les Etats connaissent des critères d’imposition variés ce qui augmente les risques de double imposition des actifs transmis à titre gratuit.
2.1 Le critère de la résidence du défunt
Ce critère est le celui retenu par notre pays pour assujettir une succession à l’impôt belge sur l’ensemble du patrimoine mondial du défunt.
Un très grand nombre d’Etats connait ce facteur de rattachement : l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Afrique du Sud, le Luxembourg ou encore les Pays-Bas.
L’adoption de ce critère ne permet pas d’éliminer tout risque de double-imposition, loin s’en faut.
En effet, le concept de « résidence » n’a pas la même acceptation dans chaque législation.
Par ailleurs, certains Etats par le biais de fictions prolongent le statut de résident de leur ressortissant au-delà de son émigration.
C’est le cas en Allemagne où la législation fiscale perdure 5 ans après le départ de son ressortissant.
Selon l’article 8 de l’Acte fiscal général, demeure résidente et imposée sur son patrimoine mondial la personne qui a l’intention de maintenir et d’utiliser un logement en Allemagne. Il importe peu que ce logement soit sa résidence principale.
Il en va de même des Pays-Bas qui considèrent que reste résident pendant une période de dix ans son ressortissant de nationalité hollandaise malgré son émigration à l’étranger (art 3 § 1er SW).
2.2 Le critère de la résidence des héritiers
D’autres Etats choisissent d’imposer les biens successoraux recueillis par un héritier qui possède la qualité de résident de ces Etats.
C’est notamment le cas de l’Espagne. L’héritier résident espagnol sera imposé sur l’ensemble des biens qu’il recueille dans la succession du de cujus. Ex : X résident bruxellois décède et laisse un fils qui réside à Valence et une fille qui réside à Liège.
Le patrimoine mondial de X sera imposé aux droits bruxellois de succession. Son fils devra

également s’acquitter de l’impôt successoral espagnol sur les biens qu’il a recueillis.
La double imposition est bien réelle.
La France assujettit également les héritiers ayant leur résidence fiscale sur son territoire au droit de mutation (Article 750ter du Code général des impôts)
2.3 Le critère de la nationalité du défunt
La grande majorité des Etats choisissent d’exercer leur souveraineté fiscale en fonction de critères territoriaux.
D’autres Etats choisissent d’asseoir leur rattachement sur le critère de la nationalité. C’est notamment le cas des Etats-Unis, de la Suède, la Bulgarie, la Grèce ou la Pologne.
Les Etats-Unis taxent les successions (Estate Tax) des personnes ayant leur domicile sur le territoire américain et/ou la citoyenneté américaine.
La perception de l’Estate tax et de la State tax (+/- 22 états) est considérablement améliorée par le biais de FATCA.
Il existe un projet de convention préventive de double imposition entre les US et la Belgique qui est resté en l’état.
2.4 Critère relatif à la localisation (le situs) d’un bien. L’état de la source.
Outre les critères de rattachement personnels énoncés ci-avant qui ont vocation à soumettre l’ensemble des biens d’une succession à l’impôt successoral d’un Etat donné, certains Etats taxent également les biens situés sur leur territoire qui sont transmis par succession.
La taxation en considération de la localisation d’un bien peut, selon les Etats, viser tant les biens immeubles que les biens meubles.
S’agissant des immeubles, c’est assez courant.
Concernant les biens meubles, ça l’est moins, même si de grands Etats comme les Etas-Unis, la France, l’Allemagne, les Pays-bas l’ont adoptée.
Il importe par ailleurs d’être attentif à la définition très large donnée par certains Etats à la notion de biens situés sur son territoire.

Ex : Les sociétés à prépondérance immobilière : les parts de société étrangère ayant dans leur bilan 50% d’immeubles situés en France sont considérées comme des meubles français.
Est française, la créance dont le débiteur est résident français.
2.5 Autre critère : la résidence du débiteur des capitaux
En Espagne par exemple.
Les droits de succession espagnols frappent les avoirs en dépôt auprès d’institutions bancaires espagnoles.
Au vu de ce qui précède, certaines situations peuvent conduire à quatre impositions.
Un ressortissant US résident en Belgique laisse des titres d’une société française qu’il lègue à une personne résident en Allemagne.

CHAPITRE III. L’atténuation des impositions plurielles - Le choix de la voie la moins imposée.
Section 1 : Imputation de l’impôt étranger
En Belgique, les droits de succession se rapportant à un immeuble situé à l’étranger sont réduits à concurrence de l’impôt successoral étranger perçu sur cet immeuble.
C’est limitatif. Cela ne vise pas les meubles sauf convention avec la France et la Suède. La double imposition reste considérable. Le délai est relativement court pour réaliser les formalités donnant droit à imputation.
L’article 17 CDS prévoit que la réduction dont il s’agit est subordonnée au dépôt, chez le receveur qui détient la déclaration de succession, de la quittance dûment datée des droits payés à l’étranger, ainsi que d’une copie, certifiée conforme par les autorités étrangères compétentes, de la déclaration qui leur a été remise et de la liquidation qu’elles ont établie.
Si les pièces justificatives visées à l’alinéa précédent ne sont pas déposées avant l’échéance des droits, ceux-ci doivent être payés dans le délai légal (5 mois en région Bxl et wallonne).
Une demande de restitution est possible, le cas échéant, conformément à ce qui est prévu à l’article 135. 2°. Mais deux ans après le payement des droits, la demande de restitution est prescrite. Il ne vaut mieux pas payer la totalité.
Section 2 : L’impôt étranger est-il déductible au titre de dette de la succession ?
Les dettes du défunt sont déductibles.
En règle, les droits de succession dus par les héritiers ne sont pas des dettes du défunt.
Il existe des exceptions.
L’Administration flamande (Vlabel) a accepté de considérer dans une décision du 9 novembre 2015 que « l’inheritance tax » anglaise n’est pas un droit de succession.
Il s’agit d’une charge de la masse considérée comme une dette et est partant déductible si la preuve en est dûment apportée.
Une décision très ancienne de l’Administration centrale a été rendue dans le même sens à propos

de la US Federal Estate Tax.
Il en va de même de l’Estate duty perçu en Australie.
Section 3 : Le transfert de résidence.
Le transfert de résidence peut mener à l’absence d’imposition.
Ex : X de nationalité belge réside en Espagne, il a quatre enfants qui résident en Belgique de nationalité belge. Il a des liquidités (cash) et des titres auprès d’une banque belge. Il n’a pas d’immeubles.
Pas de taxation en Belgique : non résident. Pas de taxation en Espagne. L’Espagne ne taxe que sur base de la résidence des héritiers ou sur base des biens (meubles et immeubles) situés en Espagne.
Lors de l’immigration, il importe d’être attentif aux éventuelles « exit tax » ou fictions applicables dans le pays d’origine.
Le transfert vers d’autres cieux, l’émigration nécessite une réalité du transfert du domicile et du siège de sa fortune.
Section 4 : Le choix de la voie la moins imposée.
4.1 Le principe.
Le principe du choix de la voie la moins imposée est central dans les planifications patrimoniales.
Le contribuable doit avoir le droit de choisir la structure la plus avantageuse sur le plan fiscal pour ses affaires commerciales et patrimoniales. C’est la jurisprudence Brepols (Cass., 7 juin1961, Pas., I, p.1483).
Le principe du choix de la voie la moins imposée est maintenu.
Ce principe est rappelé dans la Directive ATAD (Anti taxavoidance) du conseil du 12 juillet 2016 et sa mesure anti-abus général.
4.2 Quelles en sont les limites ou faut-il craindre la mesure anti-abus ?
Ce principe a été rappelé dans le cadre de mesure-anti-abus adoptée en droit belge le 29 mars 2012 qui consacre la notion « d’abus fiscal ».

Le principe reste d’application sauf en cas d’abus fiscal.
L’abus fiscal implique que par un acte juridique unique ou plusieurs actes liés entre eux par une même intention, le contribuable réalise une opération et
1° se place en dehors du champ d’application d’une loi fiscale qui l’imposerait plus lourdement – on évite de manière légale
2°ou bénéficie d’une loi fiscale qui l’avantagerait (par le biais d’une réduction ou exonération d’impôts, par exemple....) – on se place dans le texte pour en bénéficier
et ce, en contrariété avec les objectifs poursuivis par la disposition fiscale visée.
4.3 La dynamique de l’abus fiscal.
4.3.1 Il y a donc deux éléments : un élément objectif et un élément subjectif
A) Un élément objectif.
Il faut se placer hors du champ d’application d’une disposition du CIR/CDE/CS/Code flamand de la fiscalité ou d’un arrêté d’exécution ou en tirer un avantage.
1° Il faut un acte juridique, pas des faits ;
2° Il faut une disposition précise, pas tout le code ;
3° Il faut une disposition du code ou d’A exécution
- pas s’il s’agit d’une loi contenant un régime fiscal (régime fiscal des stocks option)
- pas d’abus fiscal si on évite les conventions préventives de double imposition.
4° Une violation des objectifs de la disposition : C’est le principe de la légalité de l’impôt : On ne taxe pas une opération que le législateur n’a pas expressément choisi d’imposer. Quelles sont les conséquences ? a) L’administration doit rechercher le champ d’application voulu de l’article et ce que le contribuable a évité. Et ce champ, ce n’est pas payer des impôts ou augmenter les recettes en cas de crise. b) Il faut déterminer la portée exacte que le législateur a voulu donner à une disposition précise. c) Il faut une portée consciente et certaine. Il faut être sûr que le législateur a voulu taxer quelque chose. d) Si l’économie du texte est de taxer de manière résiduelle ce qu’il

a oublié : cela ne va pas. Il faut déterminer les objectifs de l’article incriminé et pas l’économie du code. e) Il faut tomber non pas dans le champ d’application effectif (qui peut résulter du hasard ou provenir d’un courant de jurisprudence postérieure) mais dans le champ voulu et donné de manière consciente et certaine
5° Comment déterminer cet objectif ?
1) par la cohérence du texte (si c’est clair, pas d’interprétation : un texte clair ne s’interprète pas. Attention arrêt de cassation : la volonté prime le texte),
2) ensuite on va voir dans les travaux préparatoires de la loi.
Si ces travaux ne sont pas clairs ou si l’intention du législateur n’apparaît pas, l’interprétation se fait en faveur du contribuable : « in dubio contra fiscum »
Il faut rappeler que certains textes datent de plus de 150 ans.
Une autre question se pose alors : l’Administration devra-t-elle aussi apprécier si ces objectifs sont encore d’actualité ou s’ils ne sont pas devenus obsolètes ?
B. L’élément subjectif : c’est l’intention d’éviter ou de tirer avantage
4.3.2. Le contribuable peut faire la preuve contraire.
S’il y a abus fiscal, l’acte ou les actes juridiques ne sont pas opposables à l’Administration sauf si le contribuable fait la preuve contraire. Avant la nouvelle disposition, pour s’opposer à la mesure anti-abus il fallait apporter la preuve de « motifs légitimes à caractère économique ou financier ».
Aujourd’hui, le contribuable peut prouver que le choix se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter l’impôt.
Ce motif ne doit plus être financier ou économique, il peut être personnel, religieux, éthique. Cela peut être un objectif de protection du patrimoine. Ce motif ne doit plus être légitime.
Ce motif ne doit pas être essentiel, principal ni même important.
Des motifs fiscaux liés à d’autres dispositions fiscales peuvent être à mon sens être pris en compte : éviter un avantage de toute nature. Attention ces motifs doivent - cependant être précis (non

généraux) - et ne pas être insignifiants par rapport à l’acte ou aux actes posés. Les travaux parlementaires excluent :
b) l’hypothèse où les justifications non fiscales ne sont en rien spécifiques pour l’opération concernée mais au contraire si générales qu’elles sont nécessairement présentes pour chaque opération du même type ;
c) les cas où les actes où les motifs non-fiscaux sont certes spécifiques pour l’opération concernée mais ont un intérêt tellement limité qu’une personne raisonnable ne réaliserait pas l’opération pour ces motifs ;
Les travaux préparatoires veulent éviter des motifs non fiscaux invraisemblables.
4.3.3 A défaut de preuve contraire
A défaut de preuve contraire, l’Administration impose l’opération comme si l’abus n’avait pas eu lieu et conformément à l’objectif de la loi. L’Administration devra tenir compte de l’impôt déjà perçu.
Quid des conséquences de cette inopposabilité ? Sur la valeur fiscale, les amortissements ultérieurs, les réductions de valeur.
Cette opposabilité ne change pas les faits, comme traiter les autres conséquences de cette requalification en aval.
Quid des conséquences dans les autres branches ? Beaucoup de questions restent sans réponse.
4.3.4 Très peu de Jurisprudence belge à propos de 344 CIR. Quel recul a-t-on ?
Le code TVA connaît une disposition anti-abus depuis 2006 à l’art 1 § 10 du CTVA.
Cette disposition anti-abus provient de la 6ème directive TVA.
Ces dispositions ont déjà donné lieu à de la JP très intéressante.
Or les travaux préparatoires de la nouvelle mesure anti-abus se réfèrent explicitement à cette mesure anti-abus TVA et à la JP y afférente.
 Arrêt du 22 décembre 2010 par la Cour européenne de Justice.

Une société avait opté pour une opération de crédit-bail plutôt qu’un achat direct, ce qui lui a permis d’étaler sa charge TVA.
Le Fisc dit : il y abus fiscal. L’opération a pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi est contraire à l’objectif poursuivi par les dispositions de (la sixième) directive.
Que dit la Cour.
1. (...) le choix, pour un entrepreneur, entre des opérations exonérées et des opérations imposées peut se fonder sur un ensemble d’éléments, et notamment des considérations de nature fiscale tenant au régime objectif de TVA. Lorsque l’assujetti a le choix entre deux opérations, la sixième directive ne lui impose pas de choisir celle qui implique le paiement du montant de la TVA le plus élevé. Au contraire, l’assujetti a le droit de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale. »
La Cour réaffirme le principe fondamental selon lequel le contribuable conserve le droit de choisir la voie la moins imposée.
Elle ajoute, je la cite que (...) il y a lieu de relever que les opérations de crédit-bail relèvent du champ d’application de la sixième directive et que l’avantage fiscal pouvant éventuellement résulter du recours à de telles opérations ne constitue pas, en soi, un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par les dispositions pertinentes de cette directive et de la législation nationale transposant cette dernière.
Elle dit 1°, en d’autres termes, l’opération est prévue par la loi fiscale, elle ne peut être contraire à ses objectifs, le législateur l’a prévu.
Elle ajoute, en effet, il ne saurait être reproché à un assujetti de choisir une opération de crédit- bail lui procurant un avantage consistant, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, dans l’échelonnement du paiement de sa dette fiscale, plutôt qu’une opération d’achat, qui ne lui procure pas un tel avantage, dès lors que la TVA relative à cette opération de crédit-bail est dûment et intégralement payée.
Deuxio l’opération présente un avantage financier : échelonnement de la dette fiscale. C’est une justification.
La Cour ajoute un bémol.

Elle dit cependant qu’il faut encore examiner les conditions contractuelles des opérations de crédit bail et s’assurer qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions de la sixième directive et qu’il en serait ainsi si les loyers étaient anormalement bas et ne correspondent à aucune réalité économique.
Apparaît ici le critère de la corrélation entre la réalité juridique et la réalité économique.
* Arrêt rendu également le 22 décembre 2010 s’appuyant sur deux arrêts Halifax et Part Services du 21 février 2008.
Les faits :
Une société a recours à des opérations qui sont considérées - en Allemagne comme des livraisons de biens, taxables en Angleterre - et en Angleterre comme des prestations de services taxables en Allemagne, avec pour conséquence que les redevances perçues lors de ces opérations n’ont pas été imposées et que le groupe a pu déduire la TVA payée sur l’achat des véhicules.
La Cour commence par constater que les différentes transactions en cause ont eu lieu entre deux parties dépourvues de lien juridique entre elles
Elle dit ensuite que les opérations intervenues n’ont pas un caractère artificiel et qu’elles ont été effectuées dans le cadre d’échanges commerciaux normaux.
En effet, dit-elle, les caractéristiques des transactions et des relations intervenues dans ce cadre n’ont révélé aucun élément susceptible d’établir l’existence d’un montage artificiel, dépourvu de réalité économique et effectué dans le seul but d’obtenir un avantage fiscal.
Le justiciable a fourni effectivement les services en cause dans le cadre d’une activité économique réelle.
*Arrêt du 15 juin 2011.
La Cour d’appel de Bruxelles s’est prononcée sur la question de savoir si le recours à une convention d’occupation et de concession de droit d’activité par comparaison à une location exemptée n’ouvrant pas droit à déduction ne pouvait être constitutif d’une pratique abusive.
La Cour dit :
- pas d’abus fiscal,

- pas de contrariété aux objectifs poursuivis par le législateur puisqu’en l’espèce la convention de location et les conventions d’occupation sont deux actes juridiques distincts ayant des conséquences juridiques différentes pour lesquelles le but du législateur était de prévoir un régime de TVA différent.
Le législateur a en effet prévu un régime d’exemption pour la location immobilière ordinaire et un régime d’assujettissement à la TVA pour les conventions querellées.
Cela nous donne un aperçu intéressant de l’application de cette loi.
4.3.5 En matière patrimoniale et de planification.
Les mesures anti-abus de l’article 106 du CS et 18 CDE (3.17.0.0.2 CFF) sont applicables mais la matière permet largement de justifier qu’une opération n’est pas posée dans un but principalement fiscal.
Assurer la pérennité d’une entreprise, d’un patrimoine, éviter son morcellement, la protection d’héritiers, obvier aux conversions d’usufruit, l’anticipation de conflits successoraux....sont autant de motifs non fiscaux opposables à l’Administration.
Il existe des listes blanches et noires publiées par l’Administration fiscale. (Circulaires des 4 mai et 19 juillet 2012 et du 10 avril 2013. Les circulaires Vlabel du 23 décembre et 16 février 2015).
Le SDA, Vlabel et l’Administration centrale sont régulièrement amenés à prononcer sur ces opérations.
Examinons quelques opérations récurrentes.
* Une donation passée à l’étranger n’est pas en soi abusive. Il en va de même des donations informelles.
Le législateur a prévu que seules les donations présentées volontairement à l’enregistrement étaient enregistrables.
Il n’y a partant aucune obligation d’enregistrer de telles donations. Les donations actées par un notaire hollandais, suisse ou italien ne sont pas susceptibles de se voir appliquer la disposition anti-abus sauf si elles s’intègrent dans un montage constitué de plusieurs actes répondant aux conditions d’application de la mesure anti-abus.

Les donations informelles (manuelles ou indirectes) portant sur des éléments du patrimoine étranger (contrat d’assurance étranger, portefeuille-titres, actions...) suivent le même régime.
Le risque est ailleurs. Il importe d’être particulièrement attentif aux facteurs de rattachement adoptés par les autres Etats. Si la Belgique n’a signé que deux conventions préventives de double imposition en droits des successions, elle n’en n’a signé aucune s’agissant des droits de donation.
La France par exemple par le biais de l’article 750 ter du CGI impose les biens français indépendamment de la localisation de la résidence des donateurs et donataire sur son territoire.
Il en va de même dans d’autres Etats dont en Allemagne et aux Etats-Unis. Certains pays, comme la Turquie, considèrent la nationalité du donataire.
* Le recours à des structures patrimoniales étrangères (A.K. hollandaise, Stichting, Anstalt, SPF, trust...) n’a en soi rien d’abusif.
Ce sont des outils qui en règle répondent à des préoccupations de transmission et de gestion du patrimoine en vue d’en assurer la pérennité.
* Les contrats de mariage constituent également d’excellents moyens de planification.
La clause dite « mortuaire » a cristallisé les tensions existant entre le choix de la voie imposée et l’application des mesures anti-abus.
Ex : X et Y sont mariés sous un régime de communauté. Cette communauté comprend des valeurs et des immeubles à l’étranger. Y est atteint d’une maladie incurable. Les époux décident de modifier leur contrat de mariage et d’attribuer la communauté à X sans condition de survie. Y décède, la communauté est liquidée et attribuée à X sans impôts belges.
Les conditions d’imposition des attributions de communauté sont notamment déterminées à l’article 5 du CS lequel s’applique moyennant stipulation d'une condition de survie.
Le texte est clair et reflète la volonté du législateur. Cette opération sera pourtant blacklistée par la circulaire d’avril 2013.
Le fisc a également considéré qu’elle tombait sous le champ d’application de l’article 7 CS imposant les donations réalisées dans les trois ans précédant le décès.
Trois arrêts de la Cour de Cassation ont été rendus en faveur du contribuable : Arrêts du 10

décembre 2010, 28 avril 2016 et du 5 janvier 2017. L’Administration a maintenu sa position nonobstant la décision rendue en 2010. Les articles querellés ont été modifiés. La condition de survie a été supprimée.
* Clause d’accroissement portant sur des actifs mobiliers.
La dynamique de la convention d’accroissement est la suivante : chaque partie cède la pleine propriété (ou l’usufruit) de sa part à l’autre sous la condition suspensive de son prédécès. En contrepartie de cette cession, le cessionnaire acquiert la même probabilité d’acquérir la part du cédant pour autant qu’il lui survive.
La clause d’accroissement est une convention aléatoire et à titre onéreux dès lors que la probabilité de survie de chacune des parties est équivalente.
Etant à titre onéreux, elle échappe à la fiscalité inhérente aux libéralités (droits de donation) et successions.
La circulaire fédérale n°5/2013 du 10 avril 2013 reprend la clause d’accroissement dans sa « liste blanche ».
Il existe par ailleurs d’autres motifs non fiscaux qui justifient le recours à l’accroissement dont la protection du survivant, l’évitement du morcellement du patrimoine.
Il garantit au conjoint les revenus et produits des titres transmis et le prémunit d’une demande de capitalisation de son usufruit.
Une décision du Tribunal de Première Mons du 27 juin 2017 consacre ces principes.
Le Ministre des finances a par ailleurs signalé que cette mesure anti-abus ne remettait pas en cause le principe du choix de la voie la moins imposée, qui est un principe établi en Belgique de longue date, notamment par plusieurs arrêts de la Cour de cassation.
Les co-contractants peuvent dès lors décider d’opter pour une convention d’accroissement plutôt que, par exemple, par deux contrats distincts, conclu par chacun au profit de l’autre (et qui constitueraient des stipulations pour autrui imposables aux droits des successions) »
Il convient d’être attentif à ce que certains Etats considèrent l’accroissement comme une opération à titre gratuit.

Il importe d’avoir égard aux mesures anti-abus des Etats étrangers concernés.
CONCLUSIONS
Importance de faire un bilan de sa situation.
Un bilan civil (voy. cours prochain) et fiscal
Suis-je résident ou pas ? de quels pays ?
Quid des autres critères ? Existe-t-il des facteurs de rattachement à d’autres fiscalités ? Si oui, comment les atténuer ?
Le droit de planifier, d’optimiser sa succession est fondamental et est reconnu par le droit belge et le droit européen.
Il existe un grand nombre d’outils de planning.
Attention toutefois à l’abus fiscal. Une sécurisation permise par le biais d’un ruling.